Ces deux propositions de loi organique ont été adoptées par le Sénat le 17 novembre dernier.
Les deux textes, issus des propositions déposées en septembre et juillet derniers par les sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, MM. Louis-Constant Fleming et Michel Magras, tendent à compléter les dispositions statutaires relatives à la compétence fiscale de ces deux collectivités, créées en juillet 2007, en application de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer – dite loi DSIOM. Ils ont reçu il y a quelques semaines un avis favorable des conseils territoriaux des deux collectivités, saisis par M. le président du Sénat. Fait relativement rare s'agissant de propositions de loi, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, afin que les dispositions adoptées puissent produire leurs effets dès l'exercice budgétaire 2010.
Par ces textes assez techniques, il s'agit de mettre fin à une divergence d'interprétation de la loi organique statutaire, née d'un avis du Conseil d'État rendu en décembre 2007, lequel a conclu à l'impossibilité pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy d'imposer les revenus et fortunes des non-résidents qui trouveraient leur source dans ces collectivités.
Le statut de 2007 a appliqué à Saint-Martin et Saint-Barthélemy un régime dérogatoire. Les deux collectivités exercent leurs compétences fiscales dans le respect de la règle dite « des cinq ans de résidence », selon laquelle, pendant la période de cinq ans suivant leur installation, les personnes physiques et morales sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans un département français et sont donc imposées par la métropole. Cette règle visait à prévenir le risque de délocalisation vers ces deux collectivités, dont le législateur supposait que le régime fiscal serait particulièrement attractif.
Il faut noter que, lors du vote de la loi, Saint-Martin n'a pas été traité tout à fait de la même manière que Saint-Barthélemy : à Saint-Martin, la règle des cinq ans de résidence ne s'applique qu'aux personnes dont le domicile fiscal était précédemment établi en métropole ou dans un département d'outre-mer. Elle ne s'applique donc pas à celles dont le domicile fiscal était établi à l'étranger ou dans une autre collectivité d'outre-mer, l'objectif étant de ne pas nuire à l'attractivité de Saint-Martin – dont la situation financière est plus délicate que celle de Saint-Barthélemy – pour les investisseurs étrangers.
Tout le problème est de savoir si cette règle « des cinq ans de résidence » est une simple règle de domicile ou une règle de compétence et je sens, mes chers collègues, votre impatience à connaître la solution retenue...
Si c'est une simple règle de domicile, complétant les critères usuels qui déterminent la résidence fiscale d'une personne morale ou physique, elle n'emporte pas de conséquence sur le droit, pour toute collectivité disposant de la compétence fiscale, de taxer, suivant le régime des non-résidents, les revenus trouvant leur source sur son territoire et acquis par des personnes ne pouvant être considérées comme y étant domiciliées. Si, au contraire, on considère qu'il s'agit d'une règle de compétence, il faut en conclure qu'elle interdit à Saint-Martin et Saint-Barthélemy d'exercer leur compétence fiscale à l'égard de personnes fiscalement considérées comme non domiciliées sur leur territoire.
Dans l'avis qu'il a rendu sur saisine du ministre de l'économie le 27 décembre 2007, le Conseil d'État a tranché pour la seconde interprétation : il a déduit d'une lecture combinée de dispositions du code général des collectivités territoriales et du code général des impôts que les personnes qui, du fait de l'application de la règle des cinq ans, ont leur domicile fiscal en métropole, sont exclues de la compétence fiscale de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Il résulte de cette interprétation, suivie par l'administration fiscale, des pertes de recettes importantes pour les deux collectivités. Saint-Martin en pâtit davantage et connaît actuellement de graves difficultés de trésorerie. Les sénateurs des deux collectivités, avec le soutien du Gouvernement, mais aussi des élus locaux et de notre collègue Victorin Lurel, ont donc défendu ces deux textes pour doter les deux collectivités d'une pleine compétence fiscale de source.
Sans m'étendre sur le détail des articles, qui comportent également des dispositions de toilettage du statut de Saint-Martin, je vous invite à adopter sans modification les deux propositions de loi organique.
On peut regretter que ce débat ait lieu quelques jours seulement avant la date butoir du 31 décembre, alors que le problème à résoudre est connu depuis de longs mois ; néanmoins, ces textes de clarification sont de nature à aider Saint-Martin à surmonter ses difficultés. Les élus locaux, de la majorité comme de l'opposition, y sont favorables, le Gouvernement également. Notre débat devrait donc être serein !