Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur une conséquence qui peut paraître secondaire d'une transformation du régime juridique de La Poste : le devenir du patrimoine historique de cette grande entreprise publique.
Depuis plus d'un demi-siècle, les historiens et les chercheurs s'intéressent aux entreprises. On se souvient des travaux du professeur Jean Bouvier sur le Crédit Lyonnais, ou de la thèse pionnière de Patrick Fridenson sur la Régie Renault.
Les grandes entreprises, elles-mêmes, portent une attention croissante à leurs archives, comme à tous les matériaux qui peuvent concourir à conserver leur mémoire et à écrire l'histoire d'une société ou d'un établissement. Chaque entreprise est, en effet, un cas d'organisation économique particulière. Elle est aussi un fragment d'histoire technique. Elle est enfin une société humaine avec sa hiérarchie, ses règles, ses habitudes, ses luttes sociales, ses traditions. Elle est en soi un fragment de notre histoire et de notre patrimoine souvent difficile à appréhender et à conserver, tant la durée de vie des entreprises est imprévisible. Leurs structures sont changeantes, leur implantation est soumise à l'évolution des marchés, des technologies, ou tout simplement, comme nous le voyons si souvent aujourd'hui, aux décisions et aux intérêts des actionnaires. Le dépôt de bilan, l'acquisition, la fusion ou la délocalisation introduisent autant de discontinuités et de ruptures dans l'histoire d'une entreprise que dans l'histoire économique et sociale d'un territoire.
Ce qui est vrai d'une entreprise prend une ampleur bien plus grande quand il s'agit d'une entreprise publique ou d'un service public, dont l'ancienneté et le caractère universel ont profondément marqué le territoire et la société. La Poste est l'une des organisations publiques les plus anciennes et dont l'utilité économique et sociale s'impose à l'historien comme au citoyen.
Très tôt, l'État en cours de constitution a perçu cette nécessité de mettre en place un système de messageries rapide et fiable. Le XVe siècle a vu la mise en place des relais de poste ; au XVIIe, le pouvoir royal réorganise le service de la poste sous le contrôle du ministre de la guerre, Louvois ; au milieu du XVIIIe, le pays compte déjà plus de 900 bureaux de poste. Mais c'est au XIXe siècle que le service public se structure. La distribution quotidienne du courrier est acquise en 1832. Le premier timbre, comme le rappelait hier Henri Jibrayel, une Cérès, est commercialisé en 1849, inaugurant le tarif universel et cette idée moderne qu'est la péréquation.
Le premier secrétaire d'État, Adolphe Cochery, nommé en 1879, restera treize ans dans ses fonctions. Monsieur le ministre, je vous souhaite une pareille longévité. (« Ah non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)