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Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 15 décembre 2009 à 21h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Deux millions d'euros de salaire peuvent permettre de diriger quelques entreprises !

Pour éviter toutes ces dérives, il serait préférable de ne pas changer le statut de La Poste, de préciser ses missions de service public ambitieux, de financer le service public postal universel et aussi d'exiger de nouveaux entrants éventuels soit qu'ils respectent l'ensemble des obligations de service public, soit qu'ils versent une redevance à un fonds de compensation. C'est le choix de la Finlande depuis dix ans et la poste publique y a gardé 95 % des services !

Les services postaux sont au coeur des missions d'intérêt général, de service public et de service universel reconnues par les traités et directives communautaires, dont l'objectif est de garantir le droit d'accès de chaque habitant à des services de communication de qualité en tout point du territoire européen ; d'organiser la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne ; d'assurer le lien social ; et de développer les conditions d'un développement durable. Or votre texte ne s'oriente pas dans cette direction.

Pourtant, partout en France, ces mots, ces valeurs, ces missions prennent tout leur sens à travers l'action quotidienne des agents du service postal.

Je vais vous emmener quelques minutes dans la circonscription dont je suis élue pour vous montrer La Poste de tous les jours mais aussi les premières attaques, ces derniers mois, contre La Poste que nous aimons.

Ma permanence parlementaire se situe au coeur d'un quartier populaire. Le bureau de poste des Trois-Cités à Poitiers – le mien à titre personnel et celui de mes collaborateurs à titre professionnel –, se trouve entre l'école et la mairie annexe dans une zone d'éducation prioritaire ; le revenu moyen des habitants est l'un des plus bas de l'agglomération.

Vous imaginez, dans ce contexte, le sens que prend le mot « service ». On vient à la poste des Trois-Cités avec une facture et quelques euros ou un chèque. Grâce à l'amabilité des agents, on peut remplir ses papiers, signer au bon endroit, relire un document administratif, poster son courrier à la bonne adresse.

On vient à la poste des Trois-Cités parce que La Banque postale est et doit rester la banque des plus démunis. Devant moi, au guichet, je vois le montant des retraits et des dépôts : 10 euros, 5 euros, 2 euros parfois ! Souvent, les usagers de ce bureau ne repartent qu'avec un relevé de compte pour réorganiser leur fin de mois en fonction des prélèvements déjà effectués. Bref, « La Poste, on a tous à y gagner », selon un ancien slogan.

Aujourd'hui, si La Poste devient un service marchand où l'on vend davantage de recettes de cuisine, fussent-elles de terroir, de stylos parfumés et de boîtes à musique, que de courrier, de timbres, de conseils, de soutien, qu'on ne reçoit de sourires qui, eux, sont gratuits ; si La Banque postale devient une banque comme les autres, avec les mêmes tarifs, la même distance du conseiller, la même politique, alors nous n'allons pas tous y gagner.

Éloignons-nous maintenant de la ville.

J'ai fait le point, ces jours-ci, avec les bureaux de poste de la circonscription. Sur 37 communes en dehors de Poitiers, 21 seulement ont un bureau de poste, 5 une agence postale communale et 5 un point poste. Sur les 21 bureaux, 13 – j'insiste sur la très forte diminution des services au cours de ces derniers mois – se sont vu annoncer, ces derniers jours, une réduction des heures d'ouverture et non des moindres.

À Latillé, on va ainsi passer de 33 heures par semaine à 20 heures en février. Aux Roches-Prémarie-Andillé, on passera de 31 heures hebdomadaires à 18 heures en février 2010. Exemples parmi d'autres : les horaires seront également réduits à La Villedieu-du-Clain, à Nieul-L'Espoir, Nouaillé-Maupertuis, Smarves, Ligugé, Iteuil, Latillé, Lavausseau, Quinçay, Mignaloux-Beauvoir, Saint-Benoît.

À Iteuil, le bureau est mitoyen de la crèche dont les horaires se sont adaptés à ceux des parents qui travaillent majoritairement à Poitiers. Elle accueille ainsi les enfants dès sept heures quinze, un quart d'heure plus tôt qu'en début d'année. Le bureau de poste, lui, n'ouvrira qu'à neuf heures. Comment aller chercher un recommandé ou un paquet ?

La direction du groupe explique ces réductions horaires par une activité trop faible, mais le manque d'amplitude des horaires et, surtout, leur inadaptation aux nouveaux rythmes de vie des habitants, aboutit à une diminution de la fréquentation du bureau de poste. C'est ainsi qu'on affaiblit le service public pour ensuite expliquer qu'il ne fonctionne pas ou qu'il coûte trop cher.

Autre exemple de réduction horaire : la fermeture du bureau de poste de Béruges pendant tout le mois d'août. Pourtant, la loi de juillet 1990 portant sur l'organisation du service est exigeante sur le respect du principe de continuité.

« Pas de problème, La Poste est là ! », disait un autre slogan. Force est néanmoins de constater que La Poste est de moins en moins là. Sans doute, dans plusieurs communes que j'ai citées, n'est-il n'est pas rentable de maintenir ces plages horaires. Néanmoins avant de décider que le service n'est plus utile, il faudrait s'interroger sur le fait de savoir s'il est adapté.

La commune de Montreuil-Bonnin vient d'aménager l'agence postale communale. Deux agents communaux s'y relaient, y compris le samedi matin et, dans cette petite commune, la fréquentation a été multipliée par trois.

Le problème des horaires est aussi celui de l'information. Dans le meilleur des cas, les mairies sont prévenues d'une réduction horaire par courrier quelques jours avant son application. Pour d'autres communes, c'est le courrier de syndicalistes de SUD-PTT qui a donné la nouvelle. Quelquefois, c'est en se heurtant à une porte close que les usagers découvrent la nouvelle organisation. Cela m'est arrivé la semaine dernière à Poitiers. Une demi-heure avait été supprimée avant midi, et il n'y avait même pas eu une affiche pour l'annoncer.

Or l'information n'est pas la concertation. Organiser la vie d'une commune suppose un minimum d'efforts et de travail de partenariat entre tous les acteurs publics ou privés. L'école, l'épicerie, la mairie, la bibliothèque, la garderie des enfants s'organisent pour répondre aux besoins des habitants. Comment La Poste peut-elle encore décider seule de ses horaires quand c'est l'affaire de tous ?

Encore un point sur La Poste périurbaine ou rurale : il y a quelques jours, nous avons voté, dans cet hémicycle, un texte de loi sur la fracture numérique pour montrer le retard pris dans la couverture de nos territoires. J'ai pris connaissance de l'amendement intéressant de nos collègues sénateurs proposant l'accès à l'internet à haut débit dans l'enceinte du bureau de poste. Cependant je m'interroge : à Vernon, à Marnay, à Chalandray, pour ne citer que ces communes, il n'y a qu'un faible débit qui, une fois partagé entre plusieurs ordinateurs, ne permettra pas une connexion satisfaisante. Que faire ?

Enfin, La Poste, ce sont les postiers, des hommes et des femmes au contact des habitants, des agents qui aiment leur métier, mais pour combien de temps ? Vous avez lu les résultats du questionnaire concernant France Télécom, paru ce matin : de 96 % il y a quelques années, ils ne sont plus que 39 % à se déclarer fiers de leur entreprise. Voilà ce qui menace La Poste !

Christelle, la factrice de la permanence, est notre rayon de soleil du matin. Elle habite le quartier où elle fait sa tournée. Elle connaît plein de monde, a un petit mot pour chacun. Ainsi, nos facteurs sont indispensables pour les personnes isolées. Les aînés les apprécient particulièrement. Canicule ou pas, le passage quotidien du facteur est attendu. Lorsqu'elle trouve porte close, Christelle sait qu'elle peut laisser le courrier derrière le volet ou chez le voisin. Vous imaginez une société privée et ses objectifs de performance à la place de Christelle ? Les avis de passage rendront plus pénible la vie des Français dont les horaires ne leur permettront pas d'aller retirer leur paquet en pleine journée.

Voyez, monsieur le ministre : La Poste d'aujourd'hui, c'est une histoire d'amour avec les Français, mais c'est déjà le constat amer d'un service amoindri.

« La confiance donne de l'avance », tel est le dernier slogan du groupe. Et si, avoir de l'avance, c'était réfléchir au modèle de société que nous voulons pour demain ? Avoir de l'avance, ce pourrait être affirmer les missions de service public de La Poste, contraindre les opérateurs concurrents à une même qualité de service. Avoir de l'avance pourrait consister à renforcer un formidable outil d'aménagement du territoire, de lien social et de solidarité. Avoir de l'avance, pourrait être renoncer à ce texte, prendre le temps d'en écrire un autre qui fixe les perspectives et les missions d'intérêt général de la Poste face aux nouveaux enjeux auxquels elle est confrontée.

Alors, oui, nous aurions confiance. Alors, les milliers d'agents postaux pourraient être fiers de leur travail et avoir confiance en leur avenir, et les élus locaux retrouveraient confiance en leur partenaire historique. Alors, les Français pourraient faire confiance à un service public moderne et efficace et à l'impôt qui le finance.

Mais l'heure n'est pas à la confiance. Vous jouez une nouvelle fois la défiance. Un an après le texte sur le travail le dimanche, les Français sont mobilisés pour défendre La Poste. Nous sommes à leurs côtés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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