Vous le savez, monsieur le ministre, La Poste est un service public emblématique de toute une culture, un élément constitutif de notre identité nationale, un instrument incomparable d'aménagement du territoire, dont le réseau irrigue jusqu'à la plus petite de nos communes.
C'est l'arme absolue contre l'isolement et l'enclavement. Le facteur est plus que jamais créateur de lien social. Chacun connaît le « privilège des facteurs » : c'est, nous dit Marcel Pagnol, de « connaître le nom de tout le monde bien que personne ne connaisse le leur ». Pour autant, il ne s'agit pas d'un service figé dans la routine. Le facteur de Jour de fête, déjà, lançait une véritable révolution en entreprenant de distribuer le courrier « à l'américaine ». Est-ce, monsieur le ministre, ce que vous nous proposez ? Non, il s'agit plutôt d'une révolution « à l'européenne ».
En effet, nous sommes ici ce soir parce que la troisième directive postale européenne de 1997 a imposé l'ouverture totale à la concurrence de l'intégralité du secteur postal. Le décalage chronologique est d'ailleurs révélateur des spécificités du processus communautaire marqué par des décisions lointaines aux effets différés et des responsabilités diluées, responsabilités diluées en effet lorsqu'on voit des parlementaires qui ont voté des deux mains à Strasbourg en faveur de la directive de 1997, refuser aujourd'hui d'assumer à Paris les conséquences de leur vote d'alors.
Tous pourtant, parmi les députés français au Parlement européen, n'ont pas voté la directive postale. Certains estimaient en effet – et c'était mon cas – que d'autres solutions pouvaient êtres envisagées en dehors de la communautarisation intégrale du secteur postal. L'application rigide de la logique du marché unique à La Poste conduit en effet à une uniformisation de cultures qui ne sont pas les mêmes.