Le facteur avec sa petite voiture jaune, autrefois, il s'arrêtait à la maison, il posait le courrier sur la table – quand Marthe était encore là, elle lui préparait un café – et donnait des nouvelles des amis qui habitent un peu plus loin. Il ne restait pas longtemps, deux minutes pas plus, car la tournée était longue mais il connaissait tout le monde, le facteur, et il rassurait.
Pierre a de la chance, les boîtes aux lettres sont en face de chez lui, il verra le facteur ; ce n'est pas le cas de René. Il a eu beau râler, on ne l'a pas écouté. Pas le temps : il faut tout regrouper.
Pierre attend son journal, il s'est abonné surtout pour ça, pour voir le facteur, pour lui dire un mot, mais maintenant les têtes changent souvent et puis on lui répond toujours : « Pas le temps, Pierre ! ». La tournée est chronométrée et discuter avec les gens ne fait pas partie du travail. « Pas partie du travail ? Et s'il voit que mes volets ne sont pas ouverts le matin, venir voir si je suis malade ne fera pas partie de son travail ? » s'interroge Pierre.
Autrefois, on demandait des nouvelles, on montrait de la sollicitude, parfois même, on dépannait. Maintenant, on n'a plus le temps. Il faut être rentable. « Mais qu'est-ce qu'ils croient avec leur rentabilité, qu'ils vont trouver fortune dans nos villages ? Ils ont déjà supprimé de nombreux bureaux, réduit les horaires, augmenté les prix de nombreux services. Est-ce qu'ils ont décidé que puisque nous n'étions pas nombreux, nous n'avions plus droit à rien ? »