Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je commencerai de manière un peu inhabituelle : en vous lisant une petite nouvelle.
Pierre s'est levé tôt ce matin, tôt, comme chaque matin. Depuis qu'il est seul, depuis qu'il est à la retraite, il refait chaque jour, à peu près au même moment, les mêmes gestes.
Allumer la radio, d'abord. Il y a quelque temps, cette radio s'appelait France Creuse ; lui, il disait souvent Radio La Creuse. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est qu'on lui parle des gens de chez lui, qu'on lui donne des nouvelles de son territoire, avant de passer aux informations nationales, car, même lorsque l'on habite un petit village reculé où vivent peu d'habitants, on tient à se tenir au courant. Et c'est ce que fait Pierre. Ses connaissances en étonneraient même beaucoup.
Pierre trouve cependant que sa radio a changé : beaucoup plus de musique, beaucoup plus d'informations nationales et beaucoup moins d'informations locales. Pourtant, il continue à écouter.
Puis viennent la toilette, le petit déjeuner et l'ouverture des volets. Autrefois, il y avait de l'animation dans le village. Le voisin d'en face soignait ses bêtes, puis on voyait les enfants, cartable au dos, partir vers l'école, distante de deux kilomètres.
Maintenant, il n'y a plus d'école. Il y a bien encore des enfants, puisque des jeunes viennent de s'installer sur le territoire ; mais, comme ils doivent parcourir dix kilomètres, ils partent tôt le matin et rentrent tard le soir.
Mais que c'est triste, un village sans enfants, une commune sans école ! Est-ce que cela peut changer ? « Cela m'étonnerait », pense Pierre. « Personne ne se préoccupe de nous ; bientôt, on n'aura même plus de médecin ». D'ailleurs, Pierre était furieux lorsqu'il a entendu la ministre dire à ceux qui étaient en stage de formation, près de chez vous, monsieur le ministre : « On ne va quand même pas vous punir en vous envoyant en Creuse ! » Un ministre n'a pas le droit de dire cela ; c'est tout simplement déshonorant.