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Intervention de François de Rugy

Réunion du 15 décembre 2009 à 21h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est passionné et c'est bien normal car, à des degrés divers, nous sommes tous attachés à La Poste. Je peux vous dire, monsieur le ministre, que pendant plusieurs années, avant même que je ne sois député, j'ai beaucoup échangé avec les postiers, les salariés, leurs représentants syndicaux, nos concitoyens ainsi qu'avec les dirigeants de La Poste. Pendant un an, j'ai même consacré plusieurs journées à la découverte de tous les métiers de La Poste, notamment dans ma circonscription où il y a un centre de tri, et j'ai pu constater le dévouement des postiers à leur travail, à leur mission de service public, dans la véritable course contre la montre qu'ils mènent quotidiennement pour que le courrier arrive et parte à temps. J'ai vu aussi quel était leur dévouement dans l'accomplissement d'autres services, notamment aux guichets et à la banque postale.

Comme beaucoup de collègues, j'ai discuté ces derniers mois avec les dirigeants de La Poste. Jean Gaubert faisait allusion, indirectement, à ces cadres qui, sous prétexte de relations publiques, pratiquent un lobbying intense auprès des députés. Ces discussions, y compris avec le président de La Poste étaient utiles car, il y a un an et demi ou deux ans, elles avaient le mérite de la franchise. Le projet annoncé pour justifier la demande de changement de statut était clair. Il s'agissait de se développer à l'extérieur, en Europe mais pas uniquement, et de développer ce qu'on nomme dans le jargon boursier des participations croisées avec des groupes étrangers. On nous avait dit que des rapprochements avec des groupes américains notamment n'avaient pu se faire faute de pouvoir réaliser des participations croisées. Je peux comprendre cette stratégie de la part des dirigeants de La Poste, mais est-ce vraiment l'intérêt des Français, celui des salariés de La Poste ? Je ne le crois pas. Le principal objectif d'une entreprise qui exerce des missions de services public est de les développer sur le territoire national d'où elle tire sa légitimité et, jusqu'à présent au moins, ses moyens.

Il importait de le rappeler, car c'est cela, je crois, qui a provoqué une forte mobilisation, laquelle ne s'est pas limitée aux salariés concernés et aux syndicats comme souvent dans le secteur public – on le voit encore dans les transports. Elle s'est étendue aux élus, aux conseils municipaux qui ont voté des motions et des voeux à ce sujet, et a pris la forme d'une grande mobilisation populaire avec la votation citoyenne. Sur le moment, des membres du Gouvernement avaient ridiculisé cette initiative. Je les invite donc, à relire la tribune que Nicolas Sarkozy a publiée la semaine dernière dans Le Monde : Il y faisait l'éloge de l'écoute du peuple, et à partir de l'exemple pourtant malheureux de la votation suisse, ou des votations suisses, il disait qu'on ne peut balayer d'un revers de main ce qui est une expression du peuple. Pourquoi alors avoir ridiculisé cet élan de participation citoyenne et, surtout, pourquoi avoir obstinément refusé que se tienne un véritable referendum dans tout le pays ?

Cette mobilisation était pourtant utile et elle a touché juste, puisque vous avez d'abord opéré un petit recul. Mais connaissant vos intentions initiales, on pouvait craindre que ce soit reculer pour mieux sauter. Comment vous croire en effet, monsieur le ministre, lorsque, comme le font aussi des orateurs de la majorité, vous affirmez que La Poste ne peut pas être privatisée par nature, alors qu'à longueur de discours et avec une constance qu'il faut vous reconnaître, vous glorifiez la gestion privée en même temps que vous vilipendez la gestion publique sous toutes ses formes ?

On pouvait penser que la crise susciterait des remises en cause profondes ; on a effectivement pensé un temps, mais à tort, que vous alliez abandonner votre projet. Cela aurait été sage. Récemment, le président du cercle de l'industrie, qui n'est pas franchement un soutien de l'opposition, disait que si la France avait des atouts en matière industrielle c'est que dans les années 80, un certain nombre d'entreprises avaient été « protégées » par leur statut d'entreprise publique. Alors que la Grande-Bretagne par exemple laissait dépérir son industrie, ces entreprises publiques sont aujourd'hui les fleurons de notre activité, dans l'industrie, les services et en particulier la banque.

La vraie question est bien celle du service public, et en l'occurrence, de la présence postale. La Poste fait partie du paysage partout en France. Notre pays ne serait plus tout à fait lui-même s'il n'y avait pas un bureau de poste dans chaque commune et dans la plupart des quartiers.

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