Je vous remercie de m'accueillir à l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui nous tient tous particulièrement à coeur car nous rencontrons fréquemment, les uns et les autres, des consommateurs qui ont été victimes du crédit à la consommation et du surendettement. Mais cet aspect, pour important qu'il soit, ne doit pas accaparer tout le débat.
C'est pourquoi j'appelle votre attention sur l'importance du crédit à la consommation, qu'il est tentant par démagogie d'accuser de tous les maux. Il est utilisé par des millions de nos concitoyens et à la satisfaction de la grande majorité d'entre eux. Aujourd'hui, environ 9 millions de ménages ont recours au crédit à la consommation, ce qui en fait un moteur essentiel de la consommation en période de crise économique. La demande a tenu parce que les consommateurs n'ont pas modifié en profondeur leur comportement d'épargne. Le crédit à la consommation contribue à soutenir massivement certains secteurs industriels. Près de 40 % de la vente par correspondance s'appuie sur ce type de crédit qui finance également l'acquisition de deux automobiles neuves sur trois. Il faut avoir ces paramètres en tête en abordant le sujet, tout en n'oubliant pas les excès et les abus auxquels ce crédit peut donner lieu s'il n'est pas bien encadré.
Nous travaillons à ce projet de loi essentiel à mes yeux depuis juillet 2008 après avoir constaté des dérives dans une conjoncture économique qui se tendait. Mais il ne s'agit nullement d'un texte d'humeur. Nous pouvons faire véritablement oeuvre utile si nous nous gardons de verser dans l'irrationnel, et si nous ne limitons pas notre approche du crédit à la consommation au seul angle du surendettement. Cet aspect sera traité, mais il n'est pas le seul.
L'objectif du projet de loi est d'éviter les excès et les abus. Telle est la ligne de conduite qui guide mon action en permanence en matière de régulation, qu'il s'agisse des marchés financiers ou du crédit à la consommation. Cela suppose d'agir dans deux directions : d'une part, garantir une distribution responsable du crédit en créant des obligations supplémentaires aux organismes prêteurs ; d'autre part, mieux accompagner les personnes en situation de surendettement.
S'agissant du premier axe, je souhaite éliminer les points noirs du crédit à la consommation. Nous en avons identifié cinq après avoir, je le souligne, écouté non seulement les établissements de crédit, qui se sont bien entendu précipités pour exposer leur point de vue, mais aussi la totalité des associations de consommateurs, sans exception. Nous avons tenu plusieurs réunions avec elles.
Premier point noir : les crédits qui ne se remboursent jamais, c'est-à-dire les crédits renouvelables pour toujours, qui ne comportent pas d'amortissement. L'article 5 du projet interdit cette pratique en incluant impérativement dans les échéances une fraction d'amortissement minimum. À la demande des associations de consommateurs, nous avons introduit une limite dans le temps : trois ans pour les crédits de moins de 3 000 euros, et cinq ans au-delà.
Deuxième point noir : la politique du « tout renouvelable ». Pour le moment, les grands magasins offrent systématiquement à leurs clients des crédits renouvelables, sans leur laisser la faculté d'opter pour un crédit amortissable. Le projet de loi ne le permettra plus.
Troisième point noir : les publicités agressives, à la limite du harcèlement. Le projet de loi prévoit d'éliminer toutes les mentions trompeuses, voire mensongères, et les journaux comme les programmes télévisés en sont pleins. Elles mettent en avant, en gros caractères pour attirer l'attention, un taux d'appel très avantageux et renvoient en bas de page, en caractères minuscules, pour le taux effectif du crédit, en réalité de trois à cinq fois supérieur. En outre, un crédit renouvelable doit dire son nom, sans être dissimulé sous toute une série de vocables plus inventifs les uns que les autres : du crédit « revolving » au crédit « reconstituable » en passant par la « réserve d'argent ». Il faut appeler un chat un chat.
Quatrième point noir : le crédit dans lequel le consommateur entre « à l'insu de son plein gré », si je puis dire, à l'occasion de la souscription d'une carte de fidélité, ou même d'un ticket de parking offert. Le client n'est pas informé et il recevra un mois plus tard, dissimulé dans une enveloppe anodine qu'il aura tôt fait de jeter à la poubelle, une lettre l'informant que, faute de dénoncer dans les vingt-quatre heures l'offre qui lui a été faite, il aura contracté un crédit à la consommation. Les choses doivent être claires pour éviter les cartes confuses, c'est-à-dire les cartes de crédit adjointes à des cartes de fidélité ou de paiement : c'est la fonction « paiement au comptant », à l'exclusion de toute autre, qui doit être activée par défaut, sauf choix exprès du consommateur de la fonction « paiement à crédit ».
Cinquième point noir : le crédit « aveugle ». Les sociétés de financement récupèrent parfois des chalands, sans se soucier de leur solvabilité, ni vérifier qu'ils sont inscrits au fichier des incidents de paiement. Le projet de loi imposera des obligations nouvelles aux organismes de financement : la solvabilité de l'emprunteur devra être vérifiée, et le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) systématiquement consulté pour ne pas risquer d'aggraver encore la situation du client. Enfin, sera imposé un exercice à quatre mains : l'organisme financier et le consommateur devront renseigner ensemble des documents sur l'identité du demandeur, ses crédits en cours, sa situation financière nette.
Sur ces cinq points, le législateur doit intervenir pour limiter les excès d'une activité financière utile à notre économie et à nos concitoyens, qui sont 9 millions à y recourir, à la satisfaction de la grande majorité d'entre eux.
S'agissant du second axe, l'accompagnement des personnes en situation de surendettement, le projet de loi vise deux objectifs.
Premièrement, il s'agit de faciliter le rebond de ceux qui ont connu des difficultés. Aujourd'hui, les délais de fichage au FICP sont extrêmement longs. Or, si le plan de redressement est respecté, il n'y a pas de raison de maintenir le débiteur dans ce fichier pendant dix ans, ce qui le prive de tout recours au crédit.
Deuxièmement, il faut à tout prix raccourcir les procédures de surendettement, qui durent en moyenne un an et demi. Le projet de loi le permettra.
Nous devons rechercher la rapidité et l'efficacité. Le surendettement a augmenté de 16 % et le montant d'endettement par dossier augmente aussi – près de 40 000 euros en moyenne. Autant dire que certains de nos concitoyens risquent de devenir des proies, et il faut impérativement lutter efficacement contre le pic du surendettement que risque de provoquer la crise économique et financière que nous traversons.
Nous sommes tous animés de bonnes intentions et nous avons tous à coeur de faire le mieux possible. Mais le mieux peut être l'ennemi du bien. Nous aurons sûrement à débattre d'un éventuel fichier positif car certains d'entre vous voudraient s'inspirer du modèle belge. Les mesures optimales ne seraient pas forcément les plus efficaces. Nous devons veiller à rétablir le sens de la mesure là où nous constatons des excès.