Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Matthieu Bonduelle

Réunion du 1er décembre 2009 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature :

En ce qui concerne les premières – destinées à élire les grands électeurs –, l'exigence de parité ne ferait qu'ajouter à la difficulté actuelle de trouver des candidats, mais je reconnais qu'il s'agit là d'un argument purement pratique. Quant aux « petites listes », elles sont composées, à l'échelle de chaque formation du CSM, de trois noms de grands électeurs : ce chiffre impair rend impossible la parité. Si donc le Syndicat de la magistrature est traditionnellement favorable à la parité – depuis des années, il est présidé par une femme –, nous ne voyons pas comment concrétiser ce principe et, surtout, nous ne comprenons pas pourquoi cette exigence serait limitée aux représentants des cours et tribunaux.

Les incompatibilités prévues entre la profession d'avocat et la fonction de membre du CSM – objet de votre deuxième question – nous semblent absolument nécessaires. Certains considèrent qu'un avocat ne peut plus être considéré comme tel s'il ne plaide pas, mais cet argument pèse peu au regard de l'exigence d'impartialité et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme : comment imaginer qu'un avocat plaide tous les jours devant des magistrats dont il pourrait être appelé à devenir le juge ? Pour notre part, nous avons proposé dans nos observations écrites que l'avocat bénéficie, pendant la durée de ses fonctions, d'un détachement auprès du CSM.

J'en viens aux obligations déontologiques des membres du CSM.

Nous espérons que les avancées qui ont introduites au Sénat, notamment sous l'impulsion de M. Jean-René Lecerf, seront maintenues. Les mots indépendance, impartialité et intégrité n'ont pas été choisis au hasard : ce sont les trois piliers qu'a fait apparaître la vaste campagne de recueil des obligations déontologiques entreprise par le CSM. Les magistrats étant soumis à ces exigences, il paraît normal que les personnes amenées à les juger y soient elles-mêmes soumises. Parmi les nombreux dysfonctionnements que l'affaire d'Outreau a fait apparaître, souvenez-vous du dernier : l'un des membres de la formation disciplinaire du CSM, qui a sanctionné Fabrice Burgaud, avait eu à connaître de l'affaire d'Outreau en qualité de magistrat, à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai. Cette information a produit une véritable déflagration dans le corps de la magistrature : les magistrats eux-mêmes ont considéré que le CSM était décrédibilisé. Dans un tel contexte, il n'est pas inutile de rappeler ces obligations déontologiques et de les étendre, au-delà des membres du CSM, aux personnes dont ils s'attachent les services pour recueillir les plaintes des justiciables et opérer le premier tri.

Concernant le fonctionnement du CSM, les règles de quorum ne nous choquent pas. Un quorum élevé, de neuf sur quinze, est prévu notamment pour les nominations ; nous n'y voyons aucun inconvénient de principe, au contraire, même si cela risque de poser des difficultés pratiques. Quant au quorum concernant la formation disciplinaire, il nous paraît d'autant plus justifié que la nécessité d'assurer la parité entre magistrats et non-magistrats est prévue tant dans la Constitution que dans les standards européens. Je réponds par là-même à votre question n° 6, qui porte précisément sur ce point.

J'en viens à votre dernière question, relative à la saisine du CSM par les justiciables.

Nous souhaitons que cette saisine soit possible, mais sous certaines conditions. Nous avons immédiatement contesté l'idée initiale d'autoriser une plainte contre un magistrat dès lors que celui-ci n'est plus « saisi ». Nous avons en effet considéré que cette formulation préparait une rupture d'égalité, entre les justiciables et entre les magistrats. Certains magistrats demeurent en effet saisis très longtemps de leurs dossiers, compte tenu de la nature même de leurs fonctions : c'est le cas du juge des enfants ou du juge des tutelles. À l'inverse, un juge d'instruction n'est plus « saisi » une fois qu'il a rendu l'ordonnance de renvoi au tribunal correctionnel ou l'ordonnance de non-lieu.

À l'initiative de M. Lecerf, le Sénat a donc adopté une formulation selon laquelle « la plainte ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité des manquements évoqués,… » Sur le papier, la formule semble satisfaisante, mais personne ne sait comment le CSM l'interprétera. Pour notre part, plutôt que de conserver le critère de non-saisine du magistrat, nous proposons depuis le début – en étant conscients que ce n'est pas une solution exempte de difficultés – de retenir comme critère le fait que la procédure est définitivement terminée. Nous pensons en effet que si le justiciable est habilité à saisir le CSM d'une plainte contre le juge d'instruction alors même que la procédure se poursuit devant le tribunal, cela polluera le débat et déstabilisera le processus judiciaire. Il ne faut pas encourager la confusion, dans l'esprit du justiciable, entre une voie de recours au titre des droits de la défense et la possibilité de critiquer son juge pour d'autres raisons. Quand une procédure judiciaire est soldée, au contraire, il est normal que le justiciable puisse contester le comportement du magistrat ; et retenir cette formule ne veut pas dire assurer l'impunité au magistrat pendant toute la durée de la procédure : le Garde des sceaux et le chef de cour ont toujours la possibilité de déclencher des poursuites disciplinaires en cas de manquements graves. Encore une fois, il nous paraît important que les choses soient claires dans l'esprit des justiciables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion