Pour répondre à votre première question, je dois revenir sur la distinction entre magistrats du siège et du parquet, ces derniers continuant de relever hiérarchiquement du Garde des sceaux.
On oublie parfois que la France, bien que décentralisée, demeure avant tout un État unitaire et qu'il n'y a qu'une seule politique pénale, qui est l'un des attributs du Gouvernement. La condition des magistrats du parquet ne peut donc être alignée sur celle des magistrats du siège. La révision de 2008 a tout de même introduit un progrès : le Conseil supérieur de la magistrature est amené à formuler un avis sur tous les magistrats du parquet, y compris le procureur général près la Cour de cassation et les procureurs généraux près les cours d'appel – un avis simple, certes, que le Garde des sceaux peut parfaitement contredire, mais qu'il peut aussi choisir de suivre contre son premier mouvement, pour des raisons politiques.
La formation disciplinaire du parquet ne donne qu'un avis. Ce n'est pas un conseil de discipline, contrairement aux magistrats du siège. À supposer que le Garde des sceaux ait introduit l'action, c'est donc la même autorité qui engage la poursuite et qui, juridiquement, sanctionne. Cela vaudra un jour ou l'autre à la France une condamnation à la Cour européenne des droits de l'homme. Nous étions plusieurs à espérer au moins un rapprochement – que la formation disciplinaire du parquet devienne un conseil de discipline plutôt qu'une simple instance administrative donnant un avis, même si celui-ci est susceptible d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État. En attendant, nous serons dans une situation difficile face aux juridictions européennes.
Quant à l'article 18, il montre que le pouvoir disciplinaire est désormais bel et bien une réalité. Fini l'époque où le Garde des sceaux cachait les « bras cassés » dans des juridictions aux effectifs pléthoriques. Désormais, il faut couper les branches mortes afin qu'un mauvais comportement ne rejaillisse pas sur l'institution tout entière.
L'instance disciplinaire s'intéresse d'abord aux manquements du magistrat au serment prêté lors de sa prise de fonctions. Sur le plan personnel, la jurisprudence du Conseil considère qu'un comportement privé excessif, une vie privée qui tombe dans le domaine public, peuvent atteindre l'institution par ricochet.
Une jeune femme m'a demandé, à l'École nationale de la magistrature, comment elle devait se vêtir : en évitant toute tenue provocante ! L'image de la justice impose en effet une retenue naturelle au magistrat. Et, sur le plan professionnel, un magistrat que la paresse pousse à prendre du retard dans la préparation de ses dossiers, ou qui néglige d'agir dans les délais voulus, est bien sûr aussi sanctionné par le Conseil.