L'article 65 de la Constitution a été réécrit en totalité par le Sénat en 2008, et l'article 64 fait du Chef de l'État le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Pour ma part, et étant donné les évolutions qu'il a connues depuis 1946, j'estime que c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui devrait tenir ce rôle. Le sénateur Hubert Haenel a d'ailleurs déclaré en 1993 que le Conseil supérieur de la magistrature était la clef de voûte de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Mais c'est le Président de la République qui conserve cette compétence, et qui nomme par ailleurs aux emplois civils et militaires de l'État, dont les magistrats.
Comment le Conseil peut-il l'assister ? Grâce à la formation plénière, née de la pratique. En 1994, le Président Mitterrand a installé le Conseil supérieur de la magistrature quai Branly. Il a confié l'affaire Halphen au Conseil tout entier. On nous a même traité de « putschistes », puisque rien ne figurait dans la Constitution ni dans la loi organique à ce propos ! C'est dans le cadre de cette formation plénière désormais consacrée que l'on pouvait harmoniser les positions des formations du siège et du parquet, et surtout évoquer les matières communes.
La loi organique impose au Conseil d'établir un rapport d'activité destiné à éclairer les pouvoirs publics, et notamment le Chef de l'État. En l'élaborant d'ailleurs, nous savions bien que certaines formules passeraient difficilement auprès du Président et de la Chancellerie ! La loi organique permet aussi au Conseil d'organiser des missions d'information auprès de la Cour de cassation, de l'École nationale de la magistrature et des cours d'appel – lors de nos réunions à l'Élysée, le Président reprenait des points que nous avions traités dans ces missions. Voilà deux voies par lesquelles le Conseil peut remplir sa mission d'assistance du Président.
Mais la formation plénière n'est désormais plus qu'une institution croupion, qui ne pourra intervenir qu'à la demande expresse du chef de l'État ou du Garde des sceaux et dans des domaines très limités. Il ne sera pas question pour le Conseil supérieur de la magistrature de se saisir lui-même d'une question. Le rôle d'un conseiller n'est-il pas pourtant d'alerter, d'attirer l'attention ? Or, tout pouvoir d'initiative lui est désormais interdit. C'est un des problèmes du système actuel. À l'évidence, le pouvoir constituant s'impose à nous, mais je continue à considérer que, dans notre tradition républicaine, c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui est la clef de voûte du système.
Quant à son secrétaire général, il bénéficie d'abord d'une sorte de réhabilitation terminologique : dans la révision de 1993, on parlait de secrétaire administratif. Ses relations avec le reste de l'institution ont toujours été très difficiles. Lors de ma première réunion, je l'ai vu prié de se retirer immédiatement et de revenir une fois les décisions prises ! À l'époque, il était nommé sans la moindre consultation du Conseil, même par courtoisie. Je ne connais pas d'autre institution où cela se passe ainsi ! Le faire nommer sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et de son procureur général, après avis du Conseil supérieur de la magistrature, permettrait de faire du secrétaire général une partie prenante du mécanisme plutôt qu'un étranger dans l'institution qu'il est censé animer. Cette formule me paraît donc tout à fait convenable.
Enfin, la plainte du justiciable passe d'abord par une commission de filtrage, qui l'écarte lorsque la démarche est manifestement infondée. La possibilité pour le Garde des sceaux d'intervenir est, dans une optique d'équilibre entre les droits des parties, qui est la base d'un procès équitable, le pendant de cette action du justiciable.