Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre. Ne voyez pas toujours, dans mes remarques, une volonté d'être désagréable : je faisais seulement allusion aux longues auditions de vos directeurs de service, notamment du directeur des finances publiques et du directeur général des impôts ; tous se sont déclarés favorables au placement des agents à Bercy, même s'ils n'en ont évidemment pas fait une condition sine qua non ; en revanche, ces messieurs du ministère de l'intérieur en faisaient presque un casus belli, même si certains d'entre eux étaient plus ouverts.
J'ai l'impression qu'entre-temps, quelqu'un a fait – passez-moi l'expression – un « caca nerveux ». Il faut toujours se méfier avec les gens de Neuilly – c'est dangereux, par là ! Je comprends bien que, membre d'un gouvernement qui est lui-même un organe à responsabilité collective, vous ne puissiez exprimer une autre position ; vous l'avez d'ailleurs fait avec beaucoup de talent.
Permettez-moi, monsieur le ministre, un bref rappel historique sur la CIF. Faisons simple : si les gens ne comprennent pas grand-chose au contrôle fiscal, c'est que les ministres du budget ont été mauvais pédagogues – vous noterez que je parle au passé : pas de vous, donc, mais, en l'occurrence, de moi. Dans son principe initial, la CIF était une garantie pour les citoyens destinée à contrer certains excès. Puis, au fil des années, comme cela arrive souvent à ces organismes qui sont juridictionnels sans l'être tout à fait, elle a sécrété sa propre jurisprudence, multiplié les conditions, de sorte que le système s'est verrouillé. Il en a été de même, par exemple, avec la commission chargée de la vérification des comptes publics, dont la création obéissait pourtant à de louables intentions.
Remettons donc les choses à l'endroit, débloquons la procédure, que je rappelle brièvement pour ceux qui ne la connaissent pas : lorsque, sur la présomption d'une fraude grave, la CIF est saisie, celle-ci demande une preuve ; or, si cette dernière se trouve dans un paradis fiscal, on ne peut la fournir. Il faut rompre ce cercle vicieux, et non supprimer les garanties protégeant les libertés individuelles du citoyen ou le secret fiscal. Bref, c'est seulement la protection des délinquants qu'il faut supprimer.
Tel est l'objet de notre sous-amendement, qui durcit, je le reconnais – mais cela nous semble justifié –, la proposition de la commission. La CIF, je le répète, doit protéger le citoyen si nécessaire, mais non bloquer certaines procédures. Nous proposons en ce sens d'inverser la logique : sans entrer dans les détails, la CIF, désormais, s'opposerait seulement aux procédures qu'elle juge excessives. L'amendement de M. Carrez, à l'inverse, propose de faciliter la saisine de la CIF en cas de fraude présumée.
Pour conclure d'un mot, cette disposition relative au ministère de l'intérieur, qui arrive au dernier moment, n'est pas très sérieuse. Je sais qu'il est dangereux de se fâcher avec la police ; mais la police judiciaire ferait quand même mieux de se consacrer à d'autres tâches, comme elle le fait d'ailleurs très bien, même si, parfois, elle pourrait faire quelques progrès.