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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 10 décembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Après l'article 14, amendement 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le sujet est ancien et connu, et se résume à la question suivante : devons-nous conférer des pouvoirs judiciaires aux agents fiscaux ? Certains ont évoqué ici même, ces dernières années, la nécessité de créer un fisc judiciaire ; d'autres sont plus réservés.

Dans le cadre de la mission, nous avons noté plusieurs points d'ordre pratique.

Aujourd'hui, lorsqu'il est envisagé de donner des suites judiciaires à une enquête fiscale qui a conduit à un soupçon de fraude, il faut passer par la commission des infractions fiscales, dont l'avis conforme est nécessaire. Pour pouvoir la saisir, il faut avoir un dossier complètement constitué et que le contribuable ait été averti pour être associé à la procédure préalable. C'est assez difficile, mais lorsque le dossier est complet, la commission donne un avis conforme. Pour mémoire, je rappelle qu'elle est composée pour moitié de magistrats de la Cour des comptes, et pour l'autre moitié de magistrats du Conseil d'État – je parle sous le contrôle de notre collègue Charles de Courson qui m'a dit avoir rapporté jadis devant cette commission –, et qu'elle examine un millier de dossiers chaque année. Or, pour être efficace, il faudrait pouvoir agir sur la base de présomptions et non pas obligatoirement à partir d'un dossier complètement constitué.

Par ailleurs, les fraudes fiscales étant de plus en plus complexes et éphémères, il faut pouvoir les saisir dans l'instant et faire appel à l'excellente expertise des agents des impôts, ce qui se fait déjà de manière indirecte. Le service de la douane judiciaire, qui existe depuis un certain temps, et la brigade financière de la police judiciaire peuvent faire appel aux compétences des agents des impôts qui n'ont pas eux-mêmes de pouvoirs judiciaires.

Cependant, dans le cadre de la mission, nous avons estimé qu'il fallait faire très attention : en traitant ce sujet, nous devons nous préoccuper constamment de protéger le citoyen contribuable ; il ne faudrait pas qu'il y ait des débordements.

Forts de toutes ces considérations, nous avons réfléchi à un amendement, adopté par la commission des finances, qui précise différents points.

D'abord, il prévoit que le ministre chargé du budget pourra se baser sur de simples présomptions de fraude fiscale pour déclencher une procédure judiciaire en saisissant la commission des infractions fiscales. Cependant, cette procédure accélérée de saisine de la commission ne pourra intervenir que dans des cas très précis : lorsqu'il y a un montage à partir d'un paradis fiscal ; lorsqu'il existe une réelle volonté de falsification et de manipulation, et des manoeuvres destinées à égarer l'administration. Dans ces cas, les services pourraient saisir la commission sur la base de simples présomptions, sans en informer le contribuable. La commission serait donc en mesure d'autoriser plus rapidement le passage à la procédure judiciaire.

C'est le premier filtre, la première protection pour le citoyen contribuable : en tout état de cause, il ne peut pas y avoir de suites judiciaires à une procédure de contrôle qui donne lieu à présomption de fraude fiscale sans le passage par cette commission.

Ensuite, l'amendement traite de l'agrément des agents des impôts qui seront dotés de pouvoirs judiciaires afin de mener des investigations, des écoutes téléphoniques, etc.

Plusieurs garanties visent à protéger les contribuables. D'une part, ces agents devront remplir certains critères : ils devront être inscrits sur une liste ayant reçu l'agrément du ministre du budget et du garde des sceaux ; ils devront avoir une habilitation personnelle du procureur de la République ; ils seront placés sous l'autorité du procureur ou du juge d'instruction.

D'autre part, les fonctions de contrôle et les fonctions judiciaires seront séparées par une cloison étanche. On ne peut pas à la fois contrôler les impôts et figurer sur cette liste de personnes dotées de pouvoirs judiciaires. Il est très important de ne pas mélanger les deux aspects : il doit y avoir, d'un côté, le contrôle et, de l'autre côté, l'investigation qui nécessite des pouvoirs judiciaires.

Il nous a semblé possible de proposer la création de cette procédure fiscale judiciaire, en prenant toutes ces précautions – essentiellement le fait que les agents ne pourront agir que sous l'autorité d'un magistrat.

Il ne s'agit donc pas de créer à Bercy un service qui serait doté de ses propres pouvoirs judiciaires. Il s'agit d'habiliter des agents, placés sous l'autorité d'un magistrat dans le cadre de ce travail de nature judiciaire. Dès lors, il nous semble que toutes les garanties nécessaires sont bien mises en place.

L'actualité de ces derniers jours a montré que nos procédures ne fonctionnent pas bien, en l'absence d'une coordination suffisante entre la justice et l'administration fiscale. Si vous retenez cet amendement, nous aurons un outil beaucoup plus adapté à la lutte contre la fraude fiscale sous ses formes les plus modernes.

Pour conclure, je voudrais souligner à quel point les deux ministres – en particulier Éric Woerth qui a la tutelle directe des services fiscaux – ont la volonté absolue de combattre sans merci la fraude fiscale. La discussion sur l'article 14 de ce projet de collectif vient d'ailleurs de nous en apporter la preuve.

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