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Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 9 décembre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances rectificative, permettez-moi, faisant suite à l'intervention de M. Chartier, d'appeler votre attention sur la situation des collectivités territoriales qui ont contracté auprès d'établissements bancaires des emprunts dont l'indexation est complexe et risquée. La situation est inquiétante au regard du nombre de collectivités concernées, puisque la seule banque Dexia a vendu ce type de produits à plus de 4 000 d'entre elles. Elle l'est également au sens où elle expose potentiellement ces collectivités à un relèvement massif de leur charge d'intérêts.

Il y a un peu plus d'un an, lorsque j'ai commencé à alerter l'opinion publique sur le sujet, on a cru que je voulais régler mes comptes en incriminant la gestion de mes prédécesseurs à la tête d'un département. Depuis lors est intervenue une des plus grandes crises économiques que le monde ait connues. Certaines collectivités ont vu le taux d'intérêt de leurs emprunts bondir de 1,5 % à 13 % en raison de ces produits toxiques. Or leur situation budgétaire était déjà fragilisée par la mauvaise compensation des transferts de compétences de l'État, l'absence de réelle péréquation de la dotation globale de fonctionnement et des facteurs d'ordre conjoncturel comme la diminution des droits de mutation à titre onéreux, qui grève le budget des départements.

Dans un premier temps, je n'ai pas cru que des collectivités territoriales avaient pu contracter des emprunts à haut risque. Mais d'autres élus, qui n'ont pas de raisons d'observer la loi du silence, ont succédé comme moi à des majorités ayant signé ce type de contrat. Comme des centaines d'autres, j'ai donc essayé de comprendre ce qui s'est passé et ce que représente ce risque pour les institutions concernées : villes, départements, services départementaux d'incendie, hôpitaux ou offices HLM.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La fusion, en 1996, du Crédit local de France avec le Crédit communal de Belgique, devenus Dexia, nous a fait entrer dans un nouveau monde économique. Ce système, dont le Président de la République s'est fait désormais une spécialité de dénoncer les dérives, a fait primer des logiques financières sur tout autre intérêt, y compris celui des Français. L'application stricte des règles de la concurrence bancaire, si vantées ces dernières années, au secteur des prêts aux collectivités locales a conduit un certain nombre d'établissements à imaginer des produits toujours plus risqués, toujours plus sophistiqués et apparemment toujours plus profitables. Ainsi sont nés les emprunts toxiques.

Ceux-ci ont agi comme une drogue douce. Des banquiers sont venus voir les élus pour leur vendre des produits à des taux défiant toute concurrence, le plus souvent ajustés au temps électoral. Leurs propositions étaient dangereuses pour la santé financière des collectivités. En effet, nul ne pouvait prévoir leur évolution, puisqu'ils étaient soumis aux fluctuations des marchés financiers en temps réel, et M. Chartier vient de montrer ce qui est advenu.

Les banques se défendent d'avoir mal agi. Elles incriminent l'incompétence des directeurs financiers des collectivités locales, alors que les meilleurs de leurs spécialistes n'ont pas vu venir la crise des subprimes qu'ils ont eux-mêmes créée. Elles nient haut et fort la vente de produits snow balls, omettant de signaler qu'elles ont placé des centaines de millions d'euros en produits de comparaison de devises. Leurs arguties ne résistent pas à l'examen.

On comprend, dans ces conditions, que la Cour des Comptes ait mis le Gouvernement en garde contre les dangers des emprunts toxiques et que la Commission bancaire ait ouvert, il y a un mois, une enquête sur les produits structurés de dette vendus par Dexia aux collectivités.

À leur décharge, les banques ont certainement profité d'un flou juridique qui relève de la responsabilité de l'État. L'accès des collectivités à différentes formes de taux indexés monétaires ou composites, au début des années 1990, avait pourtant fait l'objet, dans un premier temps, d'une réglementation d'une grande clarté.

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