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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 9 décembre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les lois de finances rectificatives sont l'occasion pour le Gouvernement d'introduire d'importantes dispositions fiscales qui, bien que ne figurant pas en loi de finances initiale, sont essentielles. Cette année comme en 2007, la lutte contre la fraude fiscale et contre les États paradis fiscaux y fait une apparition qui ouvre de nouvelles perspectives.

Il est normal que l'État se donne les moyens de vérifier si les impôts sont correctement déclarés et payés, et assume cette situation.

La Commission européenne note que le contexte de libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes rend les États membres « moins capables de combattre la fraude fiscale de façon isolée. Cette difficulté est renforcée au plan international par le phénomène de mondialisation de l'économie ».

En France, nous disposons de services administratifs tels que la DNEF, la DVNI, la DGE, la DNVSF, la DIRCOFI, qui assurent, au sein de la direction générale des finances publiques, les missions de contrôle fiscal.

Mais, le contrôle est inadapté à certaines fraudes, évaluées entre 30 et 40 milliards d'euros. Les redressements à l'international sont très peu nombreux compte tenu des délais de durée des contrôles, des lenteurs ou de la complexité des moyens d'information à mettre en oeuvre pour obtenir des renseignements des administrations fiscales étrangères.

Il faut, ensuite, démythifier le contrôle fiscal. Sur 35 millions de foyers fiscaux et sur 1,3 million d'entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, le nombre de contrôles sur place est faible : 52 000. Le nombre de plaintes et poursuites correctionnelles est encore plus faible – 1 000 – et elles sont complexes à mettre en oeuvre.

Les droits des contribuables sont largement respectés par l'administration fiscale, et notre droit est protecteur, comme le soulignait à l'instant Henri Emmanuelli.

Dès lors, les mesures de lutte contre les paradis fiscaux deviennent une nécessité pour notre pays et le passage de l'enquête administrative aux investigations judiciaires une évidence, que notre commission a proposée dans le cadre de la mission sur la lutte contre les paradis fiscaux.

En effet, si le contrôle fiscal administratif est adapté à la plupart des fraudes, il est impuissant devant les fraudes complexes. Certaines mesures proposées dans la loi de finances rectificative vont dans le bon sens, par exemple le renforcement des dispositions en matière de prix de transferts. Il convient cependant de prévoir un service judiciaire fiscal.

Comme rapporteur spécial du programme « Gestion des finances publiques », j'ai déjà suggéré soit la création d'un service fiscal judiciaire, sur le modèle du service national de la douane judiciaire, soit la création d'un service judiciaire commun à la direction générale des finances publiques et à la direction générale des douanes et des droits indirects.

Le contrat pluriannuel de la douane 2009-2011 indique que « l'extension du champ de compétence du service national de douane judiciaire à des domaines connexes sera étudiée. » Dans le numéro 144 de la revue du ministère Échanges, de novembre-octobre 2008, le sous-directeur, chef du SNDJ, précisait : « Nous sommes prêts à mettre notre expérience au service d'une mission judiciaire fiscale, voire d'autres missions judiciaires au sein du ministère ».

En loi de finances rectificative 2007, la flagrance fiscale a été adoptée. Il a fallu, compte tenu de sa complexité, attendre septembre 2009 pour qu'elle soit effective. Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous de faire et quelle sera votre position sur l'amendement proposé par notre commission et le rapporteur général ? Cet amendement va dans le bon sens, bien que n'instaurant aucune procédure d'enquête judiciaire fiscale.

Vous avez quasiment sanctuarisé les effectifs du contrôle fiscal. Il reste qu'il convient de renforcer les enjeux de l'expertise financière, comptable et juridique des personnels – certes de qualité – qui sont affectés à cette mission, comme c'est le cas dans les cabinets de conseil privés. Cela ne peut que s'accompagner d'une prise en compte du contrôle fiscal dans le pilotage des objectifs de la direction générale des finances publiques.

Les indicateurs relatifs à la lutte contre la fraude fiscale sont inadaptés. L'objectif n° 4 du programme « Gestion fiscale et financière de l'État » prévoit qu'ils sont au nombre de trois : le pourcentage des contrôles réprimant les fraudes les plus graves ; le taux brut de recouvrement de la direction générale des finances publiques en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de l'exercice de l'année n-2 ; le taux de paiement des amendes.

Ces indicateurs ne tiennent pas compte de la diversité et de la complexité des fraudes et de leur contrôle. Cela dénote que l'administration fiscale ne raisonne encore trop qu'en administration de prestations de services et n'a pas encore intégré une mission de contrôle fiscal.

Il apparaîtrait donc opportun d'élaborer un indicateur de couverture du tissu fiscal orienté sur la TVA intra-communautaire et extra-communautaire, ainsi qu'un autre chargé de suivre les rappels en matière de fiscalité internationale.

Les précautions d'encadrement qui sont prises conduisent parfois, parce que trop timorées, à un quasi-étouffement des mesures proposées, qui vont pourtant dans le bon sens. Comme l'a souligné Didier Migaud il y a quelques instants, les articles concernant la lutte contre la fraude fiscale ne seront efficaces que si on les accompagne d'un service judiciaire fiscal. Tôt ou tard, il faudra bien y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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