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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 18 mars 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Vous voulez censurer Le Monde, mon cher collègue ? Je sais bien que le Président de la République a prévu de museler l'audiovisuel public dans des conditions qui ont été débattues ici même, mais laissez au moins la presse qui n'est pas assujettie à l'État s'exprimer librement et rendre compte de la réalité !

Dans les propos de Mme Lagarde ou de M. Woerth, à aucun moment, nous n'avons entendu parler de la France réelle, par exemple, de M. et Mme Lacoste qui travaillent chez Continental et qui, à eux deux – c'est Mme Lacoste qui parle –, gagnaient presque 4 000 euros. « Nous avons acheté dans le coin », dit-elle, « et il nous reste vingt-quatre années pour rembourser 250 000 euros. Comment allons-nous faire ? » À cela, vous ne répondez pas.

Il n'y a pas que Continental. Je vais prendre l'exemple d'une autre entreprise dont on n'a pas entendu parler ici : Eurostyle, qui travaille, entre autres, pour Renault. Les salariés de cette entreprise étudient et fabriquent les habillages intérieurs : 100 % des véhicules français construits en France ont au moins une pièce provenant de chez Eurostyle. Or, aujourd'hui, 1 000 personnes se retrouvent sans travail. Un repreneur est d'accord avec la reprise, mais en conservant seulement 50 % des salariés et à condition que Renault et PSA paient des prix suffisamment rémunérateurs à leurs sous-traitants. De cela, on n'a pas entendu parler ni des souffrances qu'expriment les salariés d'Eurostyle.

S'agissant de Renault, madame Lagarde, le Gouvernement, c'est le moins que l'on puisse dire, fait de gros efforts. Pourtant, c'est l'exemple même de l'injustice et des inégalités, sous la houlette de M. Carlos Ghosn qui, à lui seul, touche l'équivalent de la perte de salaire de tous les salariés de Sandouville, touchés par le chômage partiel ! Il faut en parler, madame Lagarde ! Le Président de la République dit qu'il faut moraliser les entreprises : il ne faut pas seulement parler de moralisation, il faut prendre des mesures en ce sens. Il est vrai que, chez Renault, certains se portent bien : les actionnaires et les dirigeants n'ont cessé de voir leurs dividendes et stock-options exploser avec un versement de plus de 3,24 milliards au cours des quatre dernières années. Voilà la réalité !

Il est question de paradis fiscaux et d'évasion fiscale. Que fait Renault en ce moment ? Et de cela, nous n'avons pas entendu parler non plus. Vous voyez que tout cela justifie le retour en commission puisque ce sont des informations qui nous ont été soustraites ! Renault vient de créer deux filiales et un point sur le schéma directeur d'implantation immobilière en région parisienne vient d'être fait. Les deux filiales que Renault vient de créer n'ont pas de personnel. Seule une partie du travail des salariés sert à justifier le crédit d'impôt. Il s'agit de filiales vides, multi-établissements, dont le suivi ne se fera qu'en comité central d'entreprise.

Madame la ministre, c'est de l'arnaque, ou je ne m'y connais pas ! Ce M. Ghosn, que vous idéalisez, l'Attila de l'industrie, qu'allez-vous faire pour qu'il rentre dans le rang ? Pour l'instant, vous n'avez rien fait. C'est d'autant plus choquant que les dispositions prises par M. Ghosn – et j'y reviendrai – se traduisent par une baisse du revenu qui peut atteindre, chez certains salariés de Renault, 2 000 euros par an. Que dire de Total, avec ses 14 milliards de profits et ses 550 licenciements ?

Il y a un appauvrissement incontestable de nos concitoyens, mais il y a, en outre, l'humiliation, la révolte légitime qui monte, parce que, dans vos propositions, il n'y a rien de substantiel pour les salariés si ce n'est des clopinettes ! Vous faites des cadeaux au patronat, oui, par erreur ou inadvertance, je le reconnais, vous faites des cadeaux à Carlyle, dans l'affaire de l'Imprimerie nationale, ou encore à Tapie. Bref, vous faites des cadeaux aux privilégiés ! Vous devriez écouter cette phrase particulièrement sensée : « Ne laissez pas aux pauvres que les miettes du festin !» C'est un horrible gauchise qui a dit cela le 21 octobre 1979 au Yankee Stadium de New York, un certain Jean-Paul II… Si vous suiviez mieux ses préceptes, vous iriez davantage, comme Pierre Méhaignerie, dans le sens d'une plus grande justice sociale.

Nous pourrions parler, madame la ministre, monsieur le ministre, de l'endettement d'urgence des ménages. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, indique qu'en six mois, le taux d'endettement des ménages est passé de 67 à 73 %. Les Français s'endettent davantage, non pour améliorer leur qualité de vie, mais pour subvenir à leurs besoins. Ces situations, que l'on qualifie de « mal-endettement », se multiplient au fil de l'accroissement des accidents de la vie, comme la perte d'un emploi. « Nous recevons de plus en plus de dossiers lourds de surendettement », affirme Jean-Paul Delevoye. Que font, face à cela, vos 200 euros par mois, pour ceux qui vont en bénéficier ?

Gilles Carrez, avec des trémolos dans la voix, nous disait cet après-midi, en réponse à Didier Migaud, qu'il ne fallait pas trop s'indigner des 360 000 euros qui allaient bénéficier à 834 contribuables, parce que, selon lui, « on n'a pas le droit de prendre plus de la moitié du revenu d'une personne. C'est confiscatoire. » Il a ajouté que nous étions le seul pays du monde où existe l'ISF ! La belle affaire ! Croyez-vous que les plus riches paient trop d'impôts ? Ce n'est pas vrai ! Vous ne nous avez jamais donné de chiffres sur les gens qui partent et sur ceux qui reviennent. Nous n'avons jamais pu rencontrer concrètement des personnes que nous aurions pu auditionner en commission des finances. Quand j'entends le rapporteur général du budget, homme fort estimable par ailleurs, dire que des contribuables français seraient obligés de partir en Suède, comment se satisfaire de tels propos ? Comment ne pas dénoncer cette forme de trahison nationale, qui conduit certains, par appât du lucre et du gain, à oublier qu'ils doivent tout à la République, qui les a formés et soignés ? Essayer d'accompagner ces gens qui ne méritent que notre mépris, alors que tant de nos compatriotes triment et se lèvent tôt, comme l'a dit un certain Nicolas Sarkozy, est tout à fait indigne.

Mais revenons au bouclier fiscal…

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