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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 8 décembre 2009 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Ce projet de loi organique a pour objet de moderniser le Conseil supérieur de la magistrature, comme l'a prévu la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il a été adopté par le Sénat, voilà déjà un mois et demi, au terme d'un débat particulièrement intéressant. Je ne doute pas que les travaux de l'Assemblée permettront également de préciser un certain nombre de dispositions et d'améliorer leur rédaction.

Ce texte revêt une grande importante, car la justice constitue l'un des fondements de l'unité de notre pays. La confiance des Français dans l'autorité judiciaire est donc une condition essentielle de la vie en commun. Dans cette perspective, la réforme qui vous est soumise a pour objet de renforcer la confiance des justiciables et d'adapter la justice aux exigences d'une démocratie moderne.

Le projet de loi organique sert deux objectifs principaux : apporter de nouvelles garanties d'indépendance à l'autorité judiciaire – l'évolution des attributions et de la composition du Conseil supérieur de la magistrature y contribueront – et rapprocher la justice du citoyen – a saisine directe du CSM par le justiciable sera une nouvelle avancée dans notre droit.

Le texte précise, tout d'abord, les dispositions constitutionnelles relatives aux attributions et à la composition du CSM.

L'article 65 de la Constitution pose trois principes en la matière : indépendance, ouverture et transparence.

L'indépendance, tout d'abord : le Président de la République cessera d'exercer la présidence du CSM et le garde des sceaux perdra, par la même occasion, sa qualité de vice-président. La procédure de nomination du secrétaire général du CSM et les modalités de réunion du Conseil sont donc adaptées en conséquence.

L'ouverture, ensuite : six personnalités qualifiées seront nommées par les autorités traditionnellement compétentes, à savoir le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat. Autre nouveauté, ces nominations seront soumises à la procédure de l'article 13 de la Constitution, ce qui vous permettra de vous prononcer. Le projet de loi organique précise par ailleurs les modalités pratiques de cette autre innovation prévue par la Constitution, qui est la désignation d'un avocat comme membre du CSM, et il tend à instaurer un régime d'incompatibilité entre l'appartenance au CSM et la profession d'avocat – c'est d'ailleurs l'un des points délicats de cette réforme.

La transparence, troisième principe directeur, sera renforcée par l'élargissement des nominations soumises au CSM : toutes les nominations des magistrats du parquet feront l'objet d'un avis du CSM, y compris les emplois pourvus par décision du Conseil des ministres – celui du procureur général près la Cour de cassation, mais aussi ceux de procureurs généraux près les cours d'appel. L'indépendance des magistrats du parquet s'en trouvera naturellement renforcée.

J'en viens au second volet du texte, qui constitue une sorte de révolution dans nos habitudes constitutionnelles et dont l'importance est comparable à celle que présente la création d'une exception d'inconstitutionnalité : la possibilité offerte aux justiciables de saisir directement le CSM en matière disciplinaire.

Il existe déjà des recours permettant de contester les décisions juridictionnelles et le fonctionnement défectueux de la justice : la cassation et l'appel, d'un côté, l'action contentieuse sur le fondement de la responsabilité de l'État, de l'autre. En revanche, le justiciable ne peut pas aujourd'hui saisir directement le CSM en cas de manquements commis par un magistrat ; seuls le garde des sceaux et les chefs de cour d'appel en ont la faculté. Grâce à ce texte, tout citoyen pourra désormais saisir le CSM lorsqu'il estimera que, à l'occasion d'une procédure judiciaire, le « comportement » d'un magistrat – j'insiste sur ce terme – pourrait faire l'objet d'une qualification disciplinaire.

Pour que cette importante avancée soit effective, la saisine devra être facile à exercer, mais il faudra également veiller à ce qu'elle soit suffisamment encadrée. On peut, en effet, imaginer sans difficulté les pressions que les magistrats pourraient subir, ainsi que l'atteinte à la sérénité de l'action judiciaire qui pourrait en résulter. Je précise que cet encadrement de la saisine individuelle du CSM est conforme à l'esprit même de la révision constitutionnelle de 2008 : il s'agit de protéger les libertés des citoyens sans déstabiliser, pour autant, les magistrats et l'institution judiciaire.

L'accessibilité de la procédure sera garantie par le caractère très peu contraignant des exigences de forme : il suffira au justiciable de rédiger une lettre précisant les faits et gestes allégués, sans qu'il soit besoin de recourir pour cela à un avocat.

Le premier aspect du filtrage à deux niveaux que nous allons mettre en place concerne la recevabilité de la plainte. Afin d'empêcher les dénonciations intempestives, susceptibles de porter atteinte à la sérénité du travail des magistrats, les commissions d'admission des requêtes effectueront un premier examen des requêtes, consistant à vérifier qu'un certain nombre de conditions – très objectives et faciles à constater – sont réunies : la qualité du requérant pour agir – il devra être concerné par la procédure en cause, ce qui semble la moindre des choses – ; l'objet de sa plainte, laquelle ne pourra viser que le comportement du magistrat dans l'exercice de ses fonctions ; le moment auquel elle intervient – elle ne sera recevable que si le magistrat du siège n'est plus saisi ou bien si le parquet n'est plus en charge du dossier.

Considérant que cette dernière règle pourrait poser problème dans le cas de procédures d'une longueur particulière, en particulier en matière de tutelle, le Sénat a souhaité que le CSM puisse être saisi, à titre exceptionnel, en cours de procédure. Il n'en reste pas moins que les présidents des commissions d'admission des requêtes pourront rejeter les plaintes irrecevables, abusives ou manifestement infondées.

En second lieu, la plainte devra porter sur un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, ce qui impliquera de recueillir un certain nombre d'informations et d'observations auprès des chefs de cours. La procédure devant trouver une issue rapide afin de dissiper au plus vite les doutes éventuels portant sur les qualités des magistrats concernés et de ne pas les déstabiliser dans le cadre d'autres affaires, il est prévu que les chefs de cours devront répondre aux demandes d'informations dans un délai de deux mois.

Le texte permettra au Conseil supérieur de la magistrature d'être à l'image de la justice du XXIe siècle que nous voulons instaurer : une justice indépendante, sûre de ses valeurs et fière de ses missions ; une justice irréprochable aux yeux des citoyens et consciente de la nécessaire exemplarité des magistrats, lesquels doivent être insoupçonnables ; une justice proche du justiciable et en phase avec la société.

La justice est, en effet, le coeur de la démocratie. Telle est la perspective dans laquelle se place le projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

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