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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 7 décembre 2009 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur la consultation des électeurs de guyane et de la martinique et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

La première sera celle d'une transformation de leur département en collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74, c'est-à-dire en une collectivité statutairement plus autonome de la République. La seconde, dans le cas où les électeurs refuseraient l'évolution vers l'article 74, serait alors celle d'une évolution strictement institutionnelle, débouchant sur la création d'une collectivité unique tenant lieu à la fois de département et de région d'outre-mer et conservant l'appellation de département.

Je tiens ainsi tout d'abord, au nom des députés du Nouveau Centre, à saluer la tenue de ces consultations ainsi que leurs modalités, qui permettront, dans des conditions républicaines, à nos concitoyens de Guyane comme de Martinique de se prononcer sur l'ensemble des facultés d'évolution actuellement permises par notre cadre constitutionnel.

Toutefois, le débat que nous avons aujourd'hui conformément à l'article 72-4 de la Constitution n'aura pas qu'un sens strictement procédural s'il permet à l'ensemble de la représentation nationale de poser quelques vérités simples dont la méconnaissance risquerait de fausser les résultats des scrutins de janvier. La première est sans doute la plus fondamentale: à travers ces consultations, ce n'est aucunement la question de l'indépendance qui est posée. Que nos concitoyens se prononcent ou non pour une évolution vers plus d'autonomie, dans le cadre fixé par l'article 74, ils sont français et ont vocation à pleinement le demeurer. C'est là du reste toute la différence avec le processus mis en place pour la Nouvelle-Calédonie par l'Accord de Nouméa, qui permet pour sa part, l'évolution de cette collectivité vers le terme d'une autodétermination, si les citoyens de Nouvelle-Calédonie en faisaient hélas un jour le choix.

La seconde – j'aborde là des questions qui ont pu jouer dans le résultat des consultations de 2003 en Martinique et en Guadeloupe et qui avaient conduit les électeurs à refuser l'évolution qui leur était proposée – consiste à dire clairement qu'une évolution statutaire vers l'article 74 n'aurait plus de conséquence sur le statut de ces collectivités au regard du droit communautaire. Je le dis d'autant plus volontiers, madame la ministre, que j'avais eu l'occasion, à l'époque, de faire campagne contre cette évolution statutaire, qui présentait, à nos yeux, ces dangers que j'avais dénoncés du haut de cette tribune. Ils ne sont plus d'actualité du fait de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, voici à peine quelques jours. Celui-ci permet en effet de clarifier la situation, en posant clairement dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne la règle selon laquelle une collectivité ou un territoire ne peut changer de statut au regard de l'Union que du fait d'une décision prise à l'unanimité du Conseil européen, et ce à l'initiative de l'État auquel elle appartient et après consultation de la Commission. Autrement dit, la transformation éventuelle d'un département français en collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 ne remettrait nullement en cause sa qualité de région ultrapériphérique et son éligibilité aux acquis communautaires, notamment aux crédits et aux aides de l'Union européenne.

Enfin, alors que, localement, la perspective d'une évolution statutaire suscite souvent la crainte d'une perte des droits sociaux garantis par les lois de la République, il nous faut également rappeler que, si les électeurs faisaient le choix de l'article 74, c'est là une question qui devrait effectivement être débattue lors de l'examen de la loi organique définissant le nouveau statut de ces collectivités, mais qu'en l'état actuel du droit, rien n'empêche une collectivité d'outre-mer de se voir appliquer directement les lois à caractère social votées dans cet hémicycle. C'est d'ailleurs le choix retenu pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy lorsque, de partie du département de Guadeloupe, ces îles sont devenues des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74.

Mes chers collègues, les consultations de janvier prochain ne seront un succès que si nos concitoyens se trouvent en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'évolution de leur collectivité. Dans le cas où ceux-ci feraient le choix de l'article 74, s'ouvrirait alors une phase légitime de négociations entre l'État et les collectivités concernées visant à la définition précise de leur nouveau statut, l'article 74 ouvrant la voie à un large spectre de possibilités allant de la quasi-identité législative à une large autonomie. C'est là un débat qui appartient à ce jour à nos concitoyens guyanais et martiniquais, mais qui, s'il a, d'ici quelques mois, lieu sur nos bancs, devra être d'abord mû par le souci d'y restaurer le pacte républicain en respectant les souhaits de nos concitoyens.

Le groupe Nouveau Centre est davantage favorable à la seconde évolution, celle qui garderait ces deux départements dans le cadre de l'article 73 de la Constitution mais leur permettrait d'évoluer vers une collectivité unique exerçant les compétences actuellement séparées entre le département et la région. Ce que certains ont appelé l'anomalie départementale constitue en effet un cas d'école à l'heure où s'enclenche la réforme de nos collectivités territoriales et nous souhaitons plus de cohérence entre les différentes collectivités dans la mise en oeuvre de leur politique. Lorsqu'un modus vivendi adéquat n'a pas pu être défini outre-mer entre département et région, la superposition sur un même territoire de ces deux structures est source tout à la fois d'une illisibilité des politiques, voire d'une contradiction des politiques entre elles, et d'un gaspillage d'argent public qui cadrent à nos yeux bien peu avec l'exigence d'efficacité qui doit animer la gouvernance de nos collectivités d'outre-mer, tant le retard y est important.

Mes chers collègues, le sens des évolutions proposées à nos concitoyens guyanais et martiniquais est bien, au-delà des fantasmes que ce type de débat est à même de susciter, de permettre au pacte républicain de mieux trouver à s'appliquer outre-mer et c'est à ce titre que les députés du Nouveau Centre tiennent à manifester leur pleine adhésion à la tenue de ces consultations.

Oui, madame la ministre, voici une évolution originale, à la carte, permettant aux citoyens, non pas de se laisser imposer un choix par le Gouvernement national mais, après leur consultation, après le vote de leurs assemblées locales, de trouver le cadre le plus adapté à une évolution satisfaisante de ces territoires sur le plan économique et social, ce qui est le premier enjeu. Ces deux consultations permettront à l'Assemblée nationale de donner la possibilité à nos compatriotes, dans un premier temps de Martinique et de Guyane, et dans un second temps j'espère, de Guadeloupe – ceux de la Réunion, apparemment, ne le souhaitent pas –, d'évoluer vers un statut plus adapté leur permettant de faire face aux réalités locales et régionales.

Depuis le temps – sept ou huit ans – que nous sommes un certain nombre, dans cet hémicycle, à avoir l'occasion de le rappeler, je dirai, madame la ministre, que, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution qui le permet, il ne serait que temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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