Ce n'est pas une petite affaire !
En ce moment, la question du travail clandestin émerge dans le débat public à la faveur de certains événements. Deux membres du Gouvernement se sont exprimés : le ministre du travail indique qu'il va prendre des mesures pour fermer des entreprises recourant à du travail dissimulé ; le ministre de l'immigration, confondant les deux sujets, annonce aussi une initiative.
Probablement aucun des deux n'a été informé par M. Warsmann que, pendant ce temps, la commission des lois était en train de régler la question toute seule, et dans un sens absolument pas conforme aux déclarations d'intention du Gouvernement.
Pour ne pas être trop long, je citerai le Conseil d'État qui est mesuré. Ceux qui ont l'habitude comprendront que sa formulation vise à attirer votre attention sur ce que l'on vous demandait de faire.
Selon le Conseil d'État « L'article 54 modifie en profondeur les relations entre les donneurs d'ordre et leur co-contractants dans la lutte contre le travail illégal. » Tout est dit. Alors que nous examinons un texte sur la simplification du droit, le Conseil d'État souligne que nous sommes confrontés à une proposition qui modifie en profondeur les relations entre le donneur d'ordre et le co-contractant.
La question de la responsabilité du donneur d'ordre est évidemment majeure lorsqu'il s'agit de lutter de manière efficace contre le travail illégal. Or que fait ce texte ? Il invente un système où à la sanction publique va se substituer une sorte de sanction privée, au surplus limitée.
Pour comprendre l'enjeu, il suffit d'ouvrir le rapport à la page 224 : « Le présent article introduit un dispositif de pénalités contractuelles. La personne publique pourra désormais choisir entre la rupture du contrat ou l'application de pénalités dans la limite de 10 % du contrat, sous réserve que de telles pénalités aient été prévues dans le contrat. » Autrement dit, par anticipation dans le contrat et y compris s'il se passe des choses bizarres sur les chantiers, un donneur d'ordre pourra s'exonérer de la suite des événements, grâce à cette disposition qui fixe la pénalité à 10 %.
Franchement, s'il y a un article qui n'a rien à faire au milieu de cette proposition de loi, c'est bien celui-là. Il est très dangereux et, le jour où il sera porté à la connaissance des utilisateurs, on peut se demander comment il sera jugé cohérent avec les autres déclarations du Gouvernement.
C'était tellement énorme que le Conseil d'État vous a déjà obligé à faire une partie du chemin : il a bien marqué que vous ne pouviez pas appliquer de telles dispositions aux donneurs d'ordre privés. Vous avez accepté de revoir le texte en fonction de l'avis du Conseil d'État.
Très honnêtement, étant donné le contexte sur ce sujet aussi sensible, le mieux serait de retirer purement et simplement cet article du débat, donc d'adopter notre amendement.