C'est un débat important et honorable que nous avons actuellement. Une fois n'est pas coutume, nous sommes tout à fait d'accord avec ce qui a été dit par le président de la commission et par Mme la ministre. La seule réserve que j'émettrai vis-à-vis de M. le président de la commission est sa façon de considérer, comme à son habitude, que l'histoire commence en 2002 – à l'exception de la loi de 1998, qui comportait déjà le sursis avec mise à l'épreuve.
Sur le fond, il n'est pas admissible qu'un responsable politique surfe sur des contrevérités. Notre travail pédagogique est d'expliquer la réalité à nos concitoyens. Les personnes ne connaissant pas la procédure et ne sachant pas tout ce qui a été dit ce soir peuvent être amenées à considérer qu'il n'est pas normal de réduire ainsi les peines, et il se trouvera toujours quelqu'un pour tenter de surfer sur ce sentiment. Il faut n'avoir jamais rencontré des responsables de la pénitentiaire, qui font partie de nos concitoyens exerçant l'un des métiers les plus difficiles, pour penser que l'on peut voter ce type d'amendement sans que cela ait des conséquences. L'ambiance dans ces établissements est très difficile, et tout le monde vous dira que le crédit, alimenté par la bonne conduite au sein de l'établissement, est extrêmement important : à défaut, on se retrouverait confronté à des incidents majeurs et à des actes désespérés de la part de détenus n'ayant plus aucune perspective. Il faut se rendre dans les centres pénitentiaires et parler avec les fonctionnaires qui font ce métier : ils sont unanimes à dire que là est la première préoccupation.
Il ne faut pas non plus alimenter l'idée selon laquelle il y aurait des remises de peine automatiques. Ce n'est pas vrai ! Ce qui est automatique, c'est ce qui ne peut pas être remis en cause. D'ailleurs, au moment où le juge ou le jury prend sa décision, l'existence même de ces remises fait partie du débat. Lors d'un procès d'assises, c'est quasiment un exercice obligé sinon pour le parquet, du moins pour l'avocat de la partie civile d'appeler à prononcer une peine plus élevée en disant : « si vous voulez qu'il fasse dix ans, mettez-lui en quatorze, sinon il n'en fera que six ! » Certains ne veulent pas dire comment ça se passe, mais il est évident que cet aspect des choses est pris en considération, comme le savent tous les magistrats et toutes les personnes s'intéressant un tant soit peu aux procès d'assises.
Je remercie Mme la garde des sceaux d'avoir indiqué ce chiffre très important de retraits, qui montre bien quelle arme les crédits de réduction de peine constituent pour l'administration pénitentiaire. Supprimer les remises automatiques, comme il est proposé, n'a de plus aucun sens : cela revient à vider la surveillance judiciaire de son contenu. Que resterait-il, à part les sorties sèches ? Or, il faut bien un cadre juridique permettant d'appliquer la surveillance judiciaire.
Ces amendements constituent donc une véritable régression et, pour notre part, nous nous rangeons à l'avis exprimé par Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur.