Cette demande de scrutin public illustre l'importance que mon groupe attache à la limitation des remises de peine, que nous avons évoquée à plusieurs reprises. J'ai eu l'honneur de le faire hier lors des questions au Gouvernement et un de nos collègues a fait de même cet après-midi.
Vous nous avez répondu que les remises de peine dont le caractère est automatique sont diminuées de moitié pour les récidivistes, mais que, pour le reste, elles constituent un élément souvent pris en compte par le juge d'application des peines comme pouvant contribuer à la réinsertion.
L'intention est louable. Mais en pratique, que constate-t-on ? Un problème d'application effective des peines. Sur 110 000 peines environ prononcées chaque année, 33 000 ne sont jamais exécutées. Nous avons bien pris acte, madame la garde des sceaux, de votre volonté d'améliorer cette situation.
D'autre part, l'individu condamné à une peine criminelle par une cour d'assises peut, en l'état actuel des textes, et grâce aux remises de peine, bénéficier d'une sortie de prison en n'ayant effectué que la moitié de sa peine. Ce qui choque l'opinion, madame la garde des sceaux, c'est que des gens condamnés à dix ou vingt ans d'emprisonnement sortent aussi rapidement et commettent de nouveaux crimes.
Membre de la représentation nationale depuis 1993, j'ai fait devant chacun de vos prédécesseurs, comme Mme Lebranchu ou Mme Guigou, cette même réflexion. J'ai donné des exemples, comme celui des frères Jourdain qui, après avoir purgé neuf années d'une condamnation à vingt ans de prison, avaient violé, étranglé puis enterré trois jeunes filles dans le Nord-Pas-de-Calais. Et, depuis quinze ans, ces cas horribles se sont multipliés.
Je ne demande qu'une chose : que les remises de peines ne soient plus automatiques pour les personnes en état de récidive. Quelqu'un qui a déjà tué deux fois ne doit pas pouvoir le faire une troisième fois sans avoir effectué la totalité de sa peine d'emprisonnement.
Il faut que nous soyons cohérents : il faut que nous protégions la société contre certains individus extrêmement dangereux. Le projet de loi pour lequel nous vous apportons notre soutien va dans ce sens, mais cet amendement vise à restreindre les remises de peine qui, sans cela, resteront automatiques, malgré les réductions que vous avez prévues pour certaines d'entre elles.
J'ai constaté que certains députés du groupe UMP avaient repris cette suggestion dans des déclarations de presse, des amendements ou des propositions de loi ; je m'en réjouis. Il ne s'agit pas de courir après l'opinion publique, mais seulement de donner les moyens aux juges de ne pas remettre en liberté des détenus particulièrement dangereux – même si je reconnais qu'en la matière, le projet de loi constitue déjà un progrès.
Madame la garde des sceaux, je n'attends pas nécessairement le soutien du Gouvernement mais, comme tout à l'heure, vous pourriez vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée. Cela permettrait à chacun de prendre ses responsabilités à propos de cet amendement que je défends au nom de mon groupe.