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Intervention de François Asensi

Réunion du 13 novembre 2009 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide publique au développement est le pilier de notre politique extérieure qui concrétise notre engagement en faveur d'un monde de paix, de solidarité et de justice.

Faut-il rappeler que 1,4 milliard de personnes dans le monde vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1,25 dollar par jour, et qu'un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes ? Telle est la triste réalité du monde dessiné par des décennies de politiques libérales, désarticulant les économies locales sous les diktats de l'OMC et contraignant les États à démanteler les services publics et sociaux pour obéir aux plans d'ajustement du FMI.

Je me félicite que la conscience de la gravité du problème ait progressé, notamment depuis l'adoption des Objectifs du millénaire pour le développement. Reste que, de sommets onusiens en conférences sur le développement, l'engagement de porter notre effort en faveur du développement à 0,7 % du PIB est constamment repoussé aux calendes grecques.

Le budget de la mission « Aide Publique au développement » du PLF pour 2010 ne déroge pas, hélas, à cette coutume. Bien que le Président de la République ait affirmé que l'APD ne servirait pas de variable d'ajustement face à la crise, la programmation budgétaire pour 2009-2011 prévoit à échéance une baisse de notre aide à 0,42 % du PIB, quand l'Angleterre atteindra dès l'an prochain le taux de 0,6 %.

Par ailleurs, de nombreuses associations de solidarité s'inquiètent de la position de la France dans le cadre du prochain Conseil « Affaires générales et relations extérieures », qui réunira les ministres européens les 16 et 17 novembre. Je fais mienne leur préoccupation et je vous pose une question très simple, monsieur le ministre : la France demandera-t-elle que l'engagement d'allouer 0,51 % du PIB à l'APD en 2010 figure dans ses conclusions ?

Non seulement les modifications de périmètre compliquent l'appréhension du budget qui nous est soumis, mais sa sincérité a peu progressé. Son montant est systématiquement gonflé de 15 % par les annulations de dettes. Or il n'est pas juste que ces créances, depuis longtemps remboursées et dans lesquelles les pays riches portent une lourde responsabilité, demeurent comptabilisées dans l'aide. Dans le contexte de crise que nous connaissons, la dette du Sud doit être annulée sans condition.

Les dépenses inscrites dans l'APD, parfois très contestables, composent un inventaire à la Prévert. Les aides aux étudiants étrangers et aux réfugiés en France sont comptabilisées, tout comme celles à l'outre-mer et à notre réseau culturel et éducatif à l'étranger. Au total, près de 2 milliards d'euros ne méritent pas d'y figurer.

Pourtant, le secrétaire d'État chargé de la coopération souhaite engager, dans le cadre de l'OCDE, la révision des critères de l'APD, certes imparfaits. Je désapprouve vigoureusement cette manoeuvre grossière qui vise à intégrer de nouvelles dépenses à l'APD pour atteindre artificiellement l'objectif de 0,7 % du PIB.

Autre incongruité de notre politique de développement, près de la moitié des marchés passés par l'AFD le sont avec des entreprises françaises. Parfaite illustration de l'adage « Aide l'Afrique, l'Afrique t'aidera », car tous nos grands groupes raflent ces marchés ! Alain Joyandet l'a reconnu dans le Figaro du 30 octobre en estimant qu'« aider directement un pays est le meilleur moyen [...] d'y conserver une influence qui permette, ensuite, à nos entreprises de s'y développer ».

La conviction qui m'anime est tout autre : il est essentiel que nous soutenions les opérateurs locaux, notamment par le transfert de savoirs et de techniques. C'est la condition d'un développement endogène et de la fin du néocolonialisme économique.

Je désapprouve avec la plus grande fermeté le rapprochement croissant entre aide au développement et répression de l'immigration. Si le secrétaire d'État Alain Joyandet a démenti le conditionnement de l'APD à la signature d'accords de gestion des flux migratoires, celui-ci figure pourtant dans le relevé de conclusions du comité interministériel de juin 2009. Une nouvelle forme d'impérialisme se cache sous le masque de la solidarité.

Je terminerai en évoquant la taxation des transactions financières. Indolore pour l'économie réelle, elle pourrait rapporter près de 500 milliards pour le développement et mettre un frein à la spéculation, qui est la grande responsable de la crise et doit à ce titre en assumer les conséquences. Selon la Banque mondiale, 200 000 enfants mourront en raison de la crise et 100 millions de personnes passeront sous le seuil de pauvreté. Auparavant, 3 200 milliards de change circulaient chaque année, qui ont été pour une bonne part réduits en fumée. Cette situation est intolérable, d'autant qu'il suffirait de 189 milliards pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement.

Les premières annonces dans le cadre du G 20 et du groupe pilote sur les financements innovants sont extrêmement décevantes : elles privilégient une taxation volontaire à un taux dérisoire. Le gouvernement français devrait au contraire adopter une position de principe en faveur d'une taxation sur les transactions de change destinée au développement et fixée au taux significatif de 0,05 %. Cette dépense obligatoire demeurerait une aide additionnelle au regard de l'APD. L'heure n'est plus à l'attente. Il est urgent de développer cette nouvelle forme de taxe Tobin.

Vous aurez compris qu'à nos yeux le budget de la mission « Aide publique au développement » ne répond aucunement à la gravité des enjeux pour notre planète. Par conséquent, les membres du groupe GDR – et particulièrement les députés communistes – voteront contre ses crédits.

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