Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'agriculture se situe à un moment de crise sans précédent. Le ministre Bruno Le Maire a lui-même souligné que nous connaissions la crise la plus grave depuis plus de trente ans.
Comme cela a été dit, toutes les filières sont concernées : les lait, la viande, les céréales, la viticulture, les fruits et légumes. Aucune filière agricole française n'échappe aujourd'hui aux difficultés. Et les perspectives nationales et européennes ne sont pas de nature, c'est le moins qu'on puisse dire, à rassurer le monde agricole. Celui-ci l'a d'ailleurs fait savoir.
Le discours du Président de la République à Poligny, dont on attendait beaucoup, a été extrêmement décevant de ce point de vue. On voit bien qu'il ne prend pas la mesure de la gravité de la crise. Une enveloppe de 1,6 milliard d'euros, dont 1 milliard sous forme de prêt, alors que les agriculteurs sont si endettés : ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Les perspectives européennes sont également peu encourageantes. Nous allons en effet vers plus de dérégulation. Nous l'avons vu dans le cadre du lait, avec l'augmentation des quotas de production de 1 % par an et l'annonce de la suppression définitive des quotas en 2015. Nous l'avons vu dans la viticulture, avec la suppression programmée des droits de plantation. Nous le voyons notamment dans le tabac, avec la baisse des soutiens.
Tout cela, conjugué à l'ouverture des marchés, conduit l'agriculture française à la catastrophe. Plusieurs centaines de milliers d'emplois seront supprimées dans ce secteur dans les cinq ans si nous ne changeons pas de cap.
Je m'arrête un instant sur la tabaculture. Voilà une filière qui compte 3 000 producteurs, un marché, celui des fumeurs, une organisation professionnelle exemplaire – elle a été sous l'égide des services de l'État pendant plus d'un siècle et demi. Or, aujourd'hui, l'Union européenne a décidé de diviser les soutiens par deux alors que l'Europe ne produit que 25 % du tabac qu'elle consomme. Il serait pourtant possible de sauver cette filière en affectant 0,4 % de la fiscalité aux producteurs alors qu'on vient d'augmenter le prix des cigarettes de 6 %. Mais cela semble mal parti : on va laisser mourir cette filière, nous importerons 100 % du tabac que nous consommons en Europe, et nos agriculteurs seront au RSA. Voilà à quelle absurdité conduit la logique libérale !
Le ministre appelle sans cesse à une nouvelle régulation. Mais vous faites le contraire, mes chers collègues. Vous avez fait le contraire en signant les accords de Luxembourg en 2003. C'est le contraire que vous avez accepté avec la dérégulation définitive qui a été actée sous la présidence française de l'Union européenne.
Aujourd'hui, les choses sont claires : la droite, en France, a abandonné l'agriculture. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Les droites, en Europe, ont abandonné l'agriculture. Je sais que cela vous gêne, mais c'est la vérité.