Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministre de l'écologie se félicite de la – modeste – progression des crédits prévus pour 2010, qui s'élèvent à 10,15 milliards d'euros. Toutefois, si l'on compare le niveau de l'engagement budgétaire aux crédits nécessaires pour répondre efficacement aux grands enjeux écologiques, force est de constater que son attitude tient davantage de la méthode Coué écologique que de l'esprit de responsabilité qui devrait guider l'action politique dans ce domaine.
Le parti pris de l'« écouélogie » conduit naturellement à souligner ce qu'il y a de positif dans chaque action du Gouvernement, en mettant en avant la grande rigueur de son expertise. Ainsi, quand je l'ai interrogée, en commission élargie, sur la pertinence écologique de la taxe carbone, sur ses effets sur les ménages les plus modestes et sur les territoires ruraux, Mme la secrétaire d'État s'est retranchée derrière la bonne « acceptabilité sociale » de la mesure. Cette notion, symbole de la novlangue néolibérale, imprègne désormais tous les discours gouvernementaux. Pourtant, nous savons que, sous sa soutane écologique (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), cette taxe n'a d'autre objectif que de favoriser une vaste contre-réforme des prélèvements sociaux, en accentuant la pression sur les ménages pour mieux soulager le capital.
Le Gouvernement fait preuve de bien moins de rigueur en matière d'acceptabilité lorsqu'il décide d'accompagner la politique d'abandon du « wagon isolé » de la SNCF, qui précipitera quelque 700 000 camions supplémentaires sur les routes de France. Ce choix désastreux met en péril des dizaines de lignes du réseau ferré national et accélère le démantèlement d'une entreprise publique indispensable pour répondre aux défis climatiques dans le secteur des transports.
À un mois du sommet de Copenhague et face au jeu de dupes mené par les États et les transnationales, qui ne veulent pas mettre la main à la poche, le ministre Borloo réaffirme sa volonté de renforcer et d'élargir les mécanismes de marché carbone, déjà testés en Europe. Or, nous connaissons le bilan de ces mécanismes flexibles et fluides destinés à engager la lutte contre le réchauffement climatique : le prix de la tonne de C02 sera de 17 euros pour les ménages, alors que, sur le marché européen, il s'établit autour de 12 euros pour les industries concernées !
Dans ce contexte, la France se félicite d'être une bonne élève au regard des objectifs qui lui ont été assignés à Kyoto. Mais rappelons-nous que, depuis treize ans, la fuite de carbone est allée bon train, suivant le rythme effréné des délocalisations industrielles, dont le seul objectif est la recherche d'une rentabilité maximale. Au reste, en commission élargie, Mme la secrétaire d'État a jugé ma question sur la nécessaire relocalisation des productions « pertinente ». Je m'en félicite, mais je ne peux que constater le fossé existant entre cette osmose ponctuelle et la poursuite de l'abandon des services publics sur nos territoires ou l'accélération d'une désindustrialisation rampante.
Certes, les crédits de la mission « Écologie » traduisent le choix d'aligner les bonnes intentions environnementales. Mais ils ne soutiennent pas réellement les politiques publiques indispensables à la mutation du système économique. Pourtant, ce changement de modèle économique, social et environnemental, fondé sur l'économie des ressources, l'internalisation des « externalités environnementales et sociales » et la prise en compte du temps long dans les cycles, s'impose à nous. Il suppose d'agir en profondeur sur les incohérences du système économique actuel au regard des enjeux environnementaux et sociaux.
Vue à travers le prisme idéologique libéral, la résolution du problème climatique et des questions environnementales est systématiquement renvoyée à la seule responsabilité individuelle. Or, il faut clairement s'élever contre cette approche individualiste, qui ne peut parvenir à relever les nouveaux défis environnementaux planétaires. Elle privilégie en effet toujours l'ajustement de court terme à moindre coût, le rapport de domination et la spéculation, car – c'est une évidence, largement partagée sur les bancs de droite – le système capitaliste recherche toujours la maximisation du profit pour ceux qui détiennent les moyens de production et les capitaux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Une véritable fiscalité écologiquement dissuasive devrait, au contraire, s'attacher à renforcer la réorientation profonde des processus de production dans le sens de la sobriété énergétique et de la relocalisation des productions. À titre d'exemple, une modulation de la taxe professionnelle en fonction de critères de qualité environnementale des équipements productifs et des produits aurait eu tout son intérêt. Mais l'État fait, au contraire, le choix de donner plus de liberté aux agents économiques et de se fier à leur sens des responsabilités pour garantir l'avenir de la planète. On sait pourtant d'expérience, notamment avec le marché des quotas d'émissions de C02, que le politique qui consiste à laisser faire le marché aboutit à des résultats très largement insuffisants.
Face à ce constat, nous voyons bien que c'est le coeur du fonctionnement du système qui doit être remis en question, en redonnant toute sa place à des constructions que vous continuez à dénigrer : l'extension des services publics afin de répondre durablement aux besoins fondamentaux, la gestion partagée des ressources naturelles et du bien commun, l'intervention salariée dans les moyens de production.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres,…