Monsieur le ministre, nous ne nions pas que nombre de programmes autres que ceux de la mission « Politique des territoires » – qui regroupe les programmes 112 et 162 – concourent à la politique d'aménagement du territoire. Celle-ci est en effet portée par trente-quatre programmes relevant de seize missions et soutenue par des dépenses fiscales, ainsi que par des exonérations de charges fiscales et sociales.
Nous ne contestons pas vos objectifs : l'attractivité économique et la compétitivité des territoires, ainsi que le développement solidaire et équilibré.
Nous ne remettons pas en cause l'utilité et la pertinence de certains outils, qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité : la prime d'aménagement du territoire, les pôles de compétitivité, le FNADT et les contrats de projets signés par l'État et les régions.
Hélas ! cela ne peut suffire à faire une véritable politique d'aménagement du territoire, comme ne suffiront pas la transformation d'un secrétariat d'État en un ministère de plein exercice pour l'espace rural et l'aménagement du territoire, décidée il y a quelques mois, ou le changement de nom d'une délégation qui, après s'être appelée DATAR, puis DIACT sous Jean-Pierre Raffarin, retrouvera sa dénomination initiale.
L'organisation dans la précipitation, le 7 octobre, des assises des territoires ruraux n'y suffira pas davantage. On peut même craindre que les plans d'action auxquels vous souhaitez aboutir en janvier 2010 ne soient pas financés, puisque votre budget aura déjà été voté. Ces assises, nous en comprenons bien l'objectif. Il s'agit de faire croire que si, hier, le Gouvernement n'a pas porté suffisamment d'attention aux difficultés de ces régions, demain, il en ira tout autrement. Demain, tout ira mieux !
Comment pourrions-nous vous croire, alors que va s'abattre sur nos territoires la réforme de la suppression de la taxe professionnelle, qui suscite inquiétudes et rejet de la part des élus locaux car elle portera un coup fatal à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et fera payer par les ménages des impôts précédemment supportés par les entreprises, puisque la part qu'ils financeront dans le produit global passera de 49 % à 73 % ?
Comment pourrions-nous vous croire, alors que les crédits de votre ministère vont diminuer en euros constants par rapport à 2009, puisqu'ils passeront, pour les autorisations de programme, de 383 à 384 millions et, pour les crédits de paiement, de 372 à 377 millions ?
Comment passer sous silence les conséquences de la politique conduite par ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé, politique qui a créé de grandes fragilités et de grands déséquilibres ? Les services publics, qui participent à la cohésion sociale et territoriale, sont victimes de cette politique bien réelle de fermetures, de suppressions et de retraits.
À la liste déjà très longue que nous avons, hélas ! souvent l'occasion d'égrener, il faudra, avant la fin de l'année, ajouter la carte hospitalière, qui se traduira par la fermeture de blocs opératoires et de nouvelles maternités. À ce rythme-là, dans quelques années, seuls les chefs-lieux de département disposeront de services publics. La notion de service public de proximité aura bel et bien disparu et la mise en place, comme vous le souhaitez, de « socles de services au public » n'y changera rien. À ce propos, nous attendons toujours la concrétisation de la charte départementale des services publics.
Monsieur le ministre, lorsque vous écrivez que votre budget pour 2010 vise à traduire le renouvellement de la politique en faveur de l'aménagement et de la cohésion des territoires ruraux et urbains, on est en droit de s'interroger sur le sens des mots. En effet, où sont les éléments de renouveau ?
Ce ne sont pas les quelque 15 et 30 millions affectés respectivement à la mise en place d'une deuxième vague de pôles d'excellence rurale et à la restructuration des sites de la défense qui pourront assurer le renouvellement de votre politique. Quant aux 3 petits millions d'euros consacrés à l'aide à l'élaboration des schémas numériques par les collectivités territoriales, faut-il rappeler que le plan numérique annoncé l'année dernière n'a, à ce jour, bénéficié d'aucun euro de l'État et que, comme à son habitude, M. le Président de la République vient de vous charger d'élaborer un nouveau plan – pas mieux financé que le précédent – de déploiement du très haut débit sur tout le territoire, dans les meilleures conditions de rapidité et de coût ?
Actuellement, tous les territoires ne sont pas dans la même situation : certains se développent et connaissent une expansion démographique, pendant que d'autres sont confrontés à un risque de désertification. C'est pourquoi nous devons nous féliciter de l'activité retrouvée par certaines régions rurales et de la volonté des élus de bâtir des territoires de projet, de conduire des actions innovantes, voire expérimentales, et de créer de nouvelles dynamiques.
Les élus locaux ont ainsi montré que, très souvent, ils savaient faire face aux difficultés et aux défis, pour peu qu'ils en aient les moyens. C'est avant tout de péréquation fiscale, plus que jamais nécessaire, que nos territoires ont besoin puisque, avec la suppression de la taxe professionnelle, nous allons vivre un vrai big bang fiscal sur le plan local, dont nous commençons seulement à mesurer les terribles conséquences.
Nous regrettons et dénonçons le fait que la politique d'aménagement du territoire telle que la conçoit le Président de la République se réduise à allumer des contre-feux, à essayer de rassurer les élus locaux, à laisser croire qu'on leur porte considération et estime. C'est une politique que l'on peut résumer ainsi : « Braves élus locaux, dormez tranquilles, Nicolas Sarkozy veille sur vous et vos territoires, grâce à lui, demain tout ira mieux, demain les hommes et les activités seront mieux répartis sur le territoire national. »