Mais les faits sont obstinés.
Vous nous avez annoncé la mise en place de « socles de services au public ». Mais, dans le même temps, la carte judiciaire, la carte militaire, la carte scolaire, la carte hospitalière et la réforme de La Poste sont autant d'outils utilisés par ce gouvernement pour, inexorablement, mettre à bas tous les services publics de proximité. À ce propos, j'ai appris, ce matin, qu'une réflexion serait engagée quant au devenir des brigades de recherche de gendarmerie, preuve, s'il en était besoin, qu'aucun secteur n'est épargné. Au demeurant, nous observons avec inquiétude que vous parlez de « services au public », et non de « services publics ». Ce glissement sémantique ne laisse pas de nous inquiéter.
Vous nous parlez d'infrastructures mais, dans le même temps, les préfets sont chargés de faire les poches aux collectivités territoriales pour financer les LGV ou l'aménagement de routes nationales, puisque l'État, après avoir vidé l'AFFIT de toutes ressources en bradant son patrimoine autoroutier, n'a plus aucun moyen à consacrer à ces politiques. L'état de réalisation des PDMI témoigne de la gravité de la situation.
Vous nous parlez d'une généralisation du très haut débit, mais où en serait l'équipement numérique de nos territoires sans la participation des collectivités territoriales, qui luttent contre les zones blanches et apportent la téléphonie mobile et le haut débit dans les zones les moins peuplées, qui sont les moins intéressantes pour les opérateurs puisque les moins rentables ? Et je ne parle pas des risques de nouvelle fracture territoriale que fait courir l'arrivée de la TNT. En effet, l'option d'une couverture minimale du territoire lors du basculement de la télévision analogique vers le numérique ayant été retenue, la question se pose de savoir qui comblera les vides pour les 1 325 000 foyers qui seront exclus.
Vous nous parlez des pôles d'excellence rurale, dont vous dressez un bilan plutôt positif – et nous saluons avec vous les synergies qu'ils ont permis de créer entre élus, monde associatif et socioprofessionnels. Mais où en seraient-ils sans l'ingénierie des départements et des régions et, surtout, sans l'implication financière de ces mêmes collectivités ? Cette remarque vaut également en partie, vous en conviendrez, pour les pôles de compétitivité.
Pour avoir une longue expérience d'élu local et national et pour présider une collectivité de premier rang en termes d'implication territoriale, vous savez bien, monsieur le ministre, que toute politique d'aménagement du territoire, fût-elle décidée au niveau national, passe par une implication des collectivités territoriales – le plus souvent, soit dit en passant, dans le cadre de financements croisés de l'État, des régions et des départements, voire des communes, cofinancements dont il n'est pas rare qu'ils soient sollicités par l'État lui-même.
Qu'en sera-t-il demain, quand la suppression de la taxe professionnelle aura privé les collectivités de toute marge de manoeuvre financière, les contraignant soit à faire porter la fiscalité sur les ménages, déjà lourdement mis à contribution, soit à réduire leurs engagements budgétaires ? Et que l'on ne nous dise pas, en guise de réponse, que la suppression de la TP est la panacée qui permettra de protéger le secteur de la production industrielle dans nos territoires, puisque moins de 50 % du bénéfice de la réforme lui profitera, le reste revenant à nombre de secteurs protégés de la concurrence internationale.
Qu'en sera-t-il après-demain, quand une réforme territoriale insensée aura privé les collectivités de la clause de compétence générale qui, jusqu'à ce jour, a permis leur implication, y compris pour pallier l'impécuniosité de l'État, incapable d'assumer ses propres compétences ? Comment un État financièrement exsangue sera-t-il en situation de mettre en oeuvre la moindre politique d'aménagement du territoire ?
Monsieur le ministre, tous les territoires de notre pays ont droit à un avenir. Les politiques volontaristes qui ont été conduites, y compris dans les lieux les plus défavorisés, par des élus de tous bords, ont permis d'inverser la spirale de la déprise démographique, comme l'atteste le dernier recensement. Porter un coup à ces choix contribuera mécaniquement à accentuer la fracture territoriale et à faire des habitants des territoires les plus fragiles des citoyens de seconde zone. Cela, nous ne le voulons pas.
Les assises que vous nous annoncez ne pourront que confirmer les attentes de la France des territoires. Or, ces attentes, nous les connaissons tous.
Ce qui est attendu, ce qui est nécessaire, c'est plus de péréquation et une solidarité accrue envers les territoires les plus fragiles, qu'ils soient ruraux ou urbains, car la question de l'aménagement du territoire ne se limite pas à la ruralité.
Ce qui est attendu, c'est plus de services publics de proximité, et non leur démantèlement.
Ce qui est attendu, ce sont des infrastructures ferroviaires, routières, numériques, de même qualité pour tous, car l'enclavement persistant de nombreux territoires reste un frein majeur pour leur développement.
À l'évidence, et nous le regrettons, le budget que vous nous présentez aujourd'hui, comme les réformes fiscales et territoriales qui s'engagent vont à l'encontre de ces attentes. Aussi voterons-nous sans hésitation contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)