Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 3 novembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Je tiens à remercier chacune et chacun des orateurs dont les interventions témoignent d'un climat de dialogue, de clarté, de confiance et de sérieux. Cela est conforme à ce qu'exige tout débat sur un tel sujet.

Comme nous allons nous retrouver demain à l'occasion de l'examen du texte par votre commission des Lois, je n'insisterai pas à ce stade sur certains éléments de réponse de nature très technique. Toutefois, je m'efforcerai de répondre aux interrogations ou aux observations formulées par tous.

Votre rapporteur, avec lequel nous avons travaillé de concert dans la perspective de l'examen de ce projet de loi, a brillamment exposé les objectifs que nous poursuivons et l'esprit de ce texte, qui consistent à rechercher plus d'efficacité tout en préservant le nécessaire équilibre entre besoin de sécurité et protection des libertés publiques. Je ne nie pas que certains aspects méritent encore de faire l'objet de quelques approfondissements, notamment en ce qui concerne les seuils de mise en oeuvre des différentes mesures de suivi pour lesquels un problème de constitutionnalité n'est pas à exclure, mais j'ai bon espoir que nous parvenions à une solution d'ici l'examen des articles du projet de loi par votre commission.

M. Dominique Raimbourg a soulevé de vraies questions, tout particulièrement s'agissant de l'appréciation de la dangerosité. J'ai également entendu ses suggestions, notamment en matière d'appréciation par un collège de médecins.

Pour ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'application des dispositions existantes relatives au suivi socio-judiciaire, j'observe que des progrès importants ont été obtenus avant même mon arrivée à la Chancellerie. Au début de l'année, la rémunération des médecins coordonnateurs est passée à 700 euros par personne suivie. Il reste que cette revalorisation ne résoudra pas tout, le problème tenant plus généralement à un déficit d'attractivité de la spécialité et appelant une réflexion plus globale. Dès ma prise de fonctions, j'ai souhaité qu'un suivi conjoint avec le ministère de la santé soit initié. Croyez bien que je mesure pleinement cette difficulté et que je m'efforce d'y apporter des réponses, dans la mesure de mes compétences.

S'agissant de votre affirmation selon laquelle les criminels sexuels ne présentent pas de dangerosité particulière, j'avoue en revanche, M. le député, ne pas pouvoir vous rejoindre. Peut-être votre expression était-elle impropre ? En tout cas, elle ne me paraît pas compréhensible par nos concitoyens.

Je répondrai ensuite à M. Jean-Jacques Urvoas que si un arsenal législatif existe bel et bien en matière de lutte contre la récidive criminelle, il ne faut pas pour autant en déduire que les textes en vigueur ne comportent ni lacune, ni défaut. J'en veux pour preuve le constat de la possibilité actuelle pour une personne ayant fait de la détention pour un crime ou un délit sexuel de résider à proximité du domicile de sa victime, à sa sortie de prison. À cet égard, les mesures que nous allons proposer devraient permettre d'éviter la réitération de certains crimes ou délits. C'est de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement que de le prévoir.

Pour ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures non législatives du rapport Lamanda, j'indique à votre commission que, naturellement, il entre dans mon intention d'y donner suite, même si toutes les suggestions ne sont pas simples à traduire en réalité.

Enfin, en réponse aux observations formulées sur la difficulté d'apprécier l'étendue du phénomène de la récidive en matière criminelle, je préciserai que, pour la seule année 2008, l'autorité judiciaire a constaté 2,6 % de récidives en matière de viols et 4,5 % de récidives en matière de délits sexuels. En valeur absolue, cela représente respectivement 43 viols et 467 délits sexuels par des auteurs déjà condamnés pour des faits similaires. Derrière les pourcentages abstraits, qui peuvent ne porter que sur de faibles nombres de personnes, il y a toutefois des réalités individuelles douloureuses.

J'indiquerai à M. Michel Hunault que l'essentiel des efforts en direction des médecins coordonnateurs relève du ministère de la santé. Toutefois, nous avons engagé un travail conjoint en la matière, qui se concrétise par une réunion régulière de mes collaborateurs avec ceux de mon homologue.

À Mme Marietta Karamanli, je fais valoir que le projet de budget pour 2010 comporte des moyens significatifs pour la prise en compte du risque de récidive et les peines alternatives, notamment à travers l'acquisition de 7 000 bracelets électroniques. Vous serez prochainement amenés à juger de cet effort non négligeable lors de votre vote en séance publique sur ces crédits.

M. André Vallini fait au Gouvernement le reproche de légiférer à la suite d'un événement dramatique. J'oserai renverser son raisonnement en lui demandant pour quel motif la survenance d'un tel événement devrait justifier le report du vote de lois de nature pénale ? En l'occurrence, le projet de loi qui vous est soumis a été déposé il y a un an. Votre rapporteur a travaillé sur le sujet et formulé des propositions. Je ne vois pas ce qui justifierait de retarder plus avant l'examen par le Parlement.

De manière plus générale, mon rôle ne consiste pas à légiférer à tout prix. Je vous avouerai même franchement que je me passerais parfois de tenir autant de séances dans les deux assemblées. À titre de comparaison, toutefois, je dois souligner que le gouvernement de M. Lionel Jospin n'était pas le dernier à soumettre des textes judiciaires au Parlement. J'ai personnellement le souvenir de nombreuses séances et sessions extraordinaires prévues à cet effet. Compte tenu de l'ordre du jour désormais partagé entre le Gouvernement et les assemblées, on peut donc dire que le Gouvernement légifère plutôt moins que ses prédécesseurs en matière pénale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion