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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 3 novembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Nous légiférons ici sur un sujet particulièrement grave, qu'il convient d'aborder avec d'autant plus de prudence que sa forte dimension émotionnelle pourrait conduire à des emportements.

Le rapporteur a rappelé les enjeux essentiels du débat en abordant, de façon complète, le problème de la dangerosité dans le document préparatoire à son rapport qui nous a été remis en fin de semaine dernière. Je partage l'opinion de notre collègue Dominique Raimbourg en ce qui concerne les insuffisances actuelles des méthodes actuarielles et l'abandon de l'idéal de réadaptation des condamnés qu'elles impliquent, en conduisant à exclure de la société certaines catégories de personnes. L'avenir dira si l'entrée de la notion de dangerosité dans notre droit pénal restera pour notre rapporteur un motif de fierté. Il aurait mieux valu commencer par évaluer l'application de la loi adoptée en 1998 pour permettre le suivi socio-judiciaire des personnes condamnées, car celle-ci avait été adoptée dans un cadre consensuel et apportait de réelles solutions. Les moyens disponibles pour assurer ce suivi indispensable sont aujourd'hui très insuffisants : les médecins coordonnateurs sont trop peu nombreux et 10 % seulement des personnes potentiellement concernées par ce suivi en ont effectivement bénéficié. J'ajoute qu'il n'existe actuellement qu'un seul établissement spécialisé dans l'accueil des délinquants sexuels, situé à Caen, qui soit également doté d'un service médico-psychologique régional.

Nous devons également prendre en compte l'aspect philosophique de ce débat, car il me semble que la fonction première de la médecine n'est pas d'être l'auxiliaire de la justice. Les soins psychiatriques, aussi utiles soient-ils, n'ont pas d'effet « magique » et nous ne savons pas mesurer leur efficacité réelle. En France, une seule étude a été conduite, à partir de 2004, par le Professeur Stoléru, sous l'autorité de l'INSERM. Elle avait pour objet de mesurer l'effet du traitement suivi par 48 violeurs pédophiles, mais elle a été interrompue en 2009, car seules 8 personnes condamnées étaient portées volontaires. On peut certes émettre un pronostic optimiste sur l'impact de tels traitements, mais il serait prudent d'étudier l'expérience canadienne avec davantage de précision. Par ailleurs, les mesures non législatives préconisées dans le rapport de M. Vincent Lamanda seront-elles suivies d'effet ?

Enfin, je tiens à souligner que, pour la délinquance sexuelle, l'image répandue de monstres pervers récidivistes ne correspond généralement pas à la réalité, qui est plus complexe. Ainsi, il faut avoir le courage de dire que seulement 1 % des délinquants sexuels récidivent, constat qui ne remet nullement en cause l'importance des mesures à mettre en oeuvre pour limiter davantage encore ce risque de récidive.

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