Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 3 novembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Les députés du groupe SRC s'opposeront à ce projet de loi pour plusieurs raisons.

La première d'entre elles est que ce texte s'appuie sur l'institution récente de la rétention de sûreté, dispositif que nous avons combattu parce qu'il découple la sanction de l'infraction, ce qui nous semble être un grave retour en arrière. Par ce biais, on assiste à une remise en cause des progrès qui avaient été accomplis, grâce à l'apparition des médicaments neuroleptiques et de la psychanalyse – majoritairement lacanienne en France – par rapport à la psychiatrie d'enfermement de la première moitié du vingtième siècle.

Par ailleurs, ce texte repose sur l'idée que l'on peut mesurer précisément la dangerosité d'un individu, ce qui est en réalité impossible. Le rapport rédigé sur cette question par le Premier président de la Cour de Cassation, M. Vincent Lamanda, a constaté l'existence d'un fort retard français en matière criminologique. Plus précisément, les études actuarielles relatives à la survenue d'un événement doivent, pour être en mesure d'évaluer le risque de récidive, reposer sur l'analyse de cohortes d'individus beaucoup plus larges que celles qui ont été utilisées jusqu'ici. Actuellement, le risque de récidive peut être évalué par intuition, mais il est impossible d'évaluer scientifiquement le risque de dangerosité. On en revient donc à la solution du début du XXe siècle, consistant à enfermer les personnes durablement en hôpital psychiatrique, sans tenir compte de l'existence de médicaments anti-délirants. Le seul condamné à avoir déjà fait l'objet de la nouvelle mesure de surveillance de sûreté avait auparavant, indépendamment de son parcours carcéral, fait l'objet d'une hospitalisation d'office, ce qui témoigne bien du « mélange des genres » que l'on est en train de faire, au risque d'aboutir à un enfermement durable de cohortes de personnes malades qu'il conviendrait avant tout de soigner. J'ajoute que l'on ne connaît pas le nombre de personnes, condamnées à une peine de plus de 15 ans d'emprisonnement, qui sont considérées comme dangereuses. M. Michel Fourniret, surnommé « le tueur des Ardennes », qui avait été condamné pour viol à 7 années d'emprisonnement et avait aussi tué 7 jeunes filles, n'aurait pas été concerné par ce dispositif.

Je tiens aussi à souligner que le dispositif de la surveillance de sûreté est construit sur un mécanisme semblable à celui du suivi socio-judiciaire mis en place en 1998, qui respectait les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales parce qu'il reposait sur une obligation de soins et une sanction de durée limitée. Or, ce suivi socio-judiciaire n'est pas actuellement bien appliqué, car il n'existe que 200 médecins coordonnateurs alors qu'il en faudrait 500. Je rappelle également que la France ne compte que 11 000 psychiatres, dont 5 000 psychiatres d'exercice public, catégorie pour laquelle 800 postes demeurent vacants.

En outre, les victimes ne pourront être rassurées par le dispositif que vous proposez, car il ne concerne qu'un nombre très limité de criminels, les termes de « criminels sexuels » étant au demeurant inadaptés car si ceux-ci sont nombreux, beaucoup d'entre eux ne présentent pas de dangerosité particulière. Nous ne sommes pas opposés à un recours accru aux traitements médicamenteux permettant de mieux maîtriser les pulsions sexuelles des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, mais nous sommes fermement opposés à ce qui se cache derrière la notion de « castration chimique ». Car il ne s'agit pas de castration, notion qui alimente tous les fantasmes et peut être assimilée à une forme de torture, avec des risques de dérive et de confusion avec la question de la castration physique.

Enfin, j'appelle votre attention sur les conséquences de l'abaissement à 10 ans du seuil de surveillance de sûreté, question sur laquelle nous reviendrons demain à l'occasion de la discussion des amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion