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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 29 juin 2009 à 15h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008 — Discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan :

Vous m'avez répondu que, par rapport à 1999, l'écart était le même. Cela veut donc dire que, face à une dépense qu'on maîtrise, mais tout doucement, il y a une véritable évaporation de recettes.

Pourquoi nos recettes diminuent-elles ? Il y a bien sûr l'effet de la crise, mais il y a d'autres raisons sur lesquelles je voudrais insister.

Pour l'impôt sur le revenu, nous avons une perte de 2 milliards d'euros par rapport à la prévision, liée d'ailleurs à une erreur qui m'inquiète. En effet, monsieur le ministre, le coût de la prime pour l'emploi a été sous-évalué de presque 1 milliard d'euros. Ne risque-t-on pas d'avoir le même phénomène en 2009 ?

L'impôt sur les sociétés est également inférieur à la prévision de presque 5 milliards. C'est beaucoup plus normal, surtout compte tenu des modalités de versement de l'acompte de décembre.

Le produit de la TIPP est inférieur de 400 millions aux prévisions et la progression de la TVA en volume a été très faible. On a une progression en valeur, mais elle est liée au ressaut d'inflation, ce n'est donc pas significatif.

Pour la Cour des comptes, elle aussi extrêmement inquiète de cette évaporation des recettes, sur presque 12 milliards de pertes de recettes par rapport à la prévision, la crise économique, qui a vraiment frappé à partir de septembre 2008, n'expliquerait que 4 milliards. Je la trouve un peu sévère, car je pense que la crise en explique plutôt la moitié, mais c'est à cette moitié que nous devons être très attentifs.

Il y a deux phénomènes : d'abord, les mesures nouvelles de baisse d'impôt ou de dépense fiscale, qui ne sont pas maîtrisées comme elles devraient l'être en temps de crise ; ensuite, tous les dispositifs de modification de périmètre dans la relation de l'État avec les collectivités locales, d'une part, et la sécurité sociale, d'autre part.

S'agissant des collectivités locales, 2,8 milliards d'euros de recettes d'État ont été transférés en 2008 au titre de la compensation des charges, mais il a fallu par deux fois transférer 400 millions supplémentaires aux départements : 400 millions de TIPP et 400 millions de taxe spéciale sur les conventions d'assurance.

Vers la sécurité sociale, 4,3 milliards de recettes supplémentaires ont été transférés en 2008 à partir du budget de l'État. Les impositions de toutes natures affectées à la sphère sociale représentent aujourd'hui plus de 130 milliards. Il y a évidemment, et c'est historique, l'ensemble CSG-CRDS, mais aussi la TVA brute sur les alcools et la C3S, tout un ensemble d'éléments qui font que la recette d'État s'étiole.

Le déficit a été de 56,3 milliards d'euros en 2008, en hausse de 14 milliards par rapport à la prévision, ce qui est dû, pour plus de la moitié, à des mesures nouvelles de baisse d'impôt et de dépense fiscale et, par ailleurs, à des changements de périmètre.

Cela fait plusieurs années que je pose la question suivante. Chaque année apporte, à fiscalité constante, des plus-values spontanées. Si la croissance est élevée, ces plus-values sont importantes ; si elle l'est moins, elles sont plus limitées. Que fait-on de ces plus-values de recettes d'une année sur l'autre ? Celles-ci vont en premier lieu financer l'augmentation des dépenses, mais elles peuvent financer également des baisses d'impôts ou encore la réduction du déficit.

En 2008, un peu moins de 14 milliards d'euros de plus-values de recettes spontanées étaient attendus. Dans la mesure où la loi de finances initiale pour 2008 prévoyait d'affecter 10 milliards à des hausses de dépenses, sur le périmètre élargi, et 6 milliards à des baisses d'impôt, le déficit se dégradait déjà en loi de finances initiale de près de 3 milliards.

En exécution, du fait que la croissance, au lieu d'être de 2,25 %, comme prévu, a été de 0,4 %, les recettes spontanées s'élèvent à 6,6 milliards d'euros. La hausse des charges globales, compte tenu du surcroît d'inflation et des mesures de relance, est quant à elle de 16,8 milliards ; les baisses d'impôts sont de 7,8 milliards. L'essentiel des augmentations de dépenses ou des baisses d'impôts est donc financé par une dégradation du solde. Alors que cette dégradation devait être de 2,8 milliards, elle est en fin de compte de 18 milliards.

Il faut que nous y soyons très attentifs. Nous ne pouvons préempter des hausses de recettes spontanées au titre d'augmentations de dépenses et de baisses d'impôts, parce que c'est, au final, le déficit, donc la dette, qui finance ces mesures.

En ce qui concerne la dette, le besoin de financement de l'État a été accru de 17 milliards d'euros, et le déficit à financer en gestion a dépassé de près de 15 milliards la prévision initiale. Nous avons fait face à cette très forte augmentation du besoin de financement en recourant en particulier à l'endettement de court terme. Alors qu'à la fin de l'année 2007, 80 milliards de nos presque 1 000 milliards de dette de l'État étaient souscrits en bons du Trésor français à court terme, ce montant sera à la fin de l'année 2009 de près de 200 milliards. Cela nous rend très vulnérables à une hausse des taux d'intérêt comme celle qui risque de se produire avec le retour de la croissance.

L'encours de la dette de l'État – 53,1 % du PIB – est passé de 929 milliards d'euros à la fin de 2007 à 1 036 milliards. Toutes administrations publiques confondues, en incluant les comptes sociaux, les ODAC et les collectivités locales, la dette atteint, à la fin de 2008, 1 327 milliards d'euros, c'est-à-dire 68,1 % du PIB. Par rapport à 2007, la progression est de 4,3 points de PIB ; c'est la plus forte progression en points de PIB que nous ayons enregistrée depuis 1995.

C'est dire qu'une fois la crise surmontée, la dette sera un problème absolument majeur. En 2009 – nous l'évoquerons demain –, le Gouvernement sera conduit à mobiliser 250 milliards d'euros : 150 milliards pour couvrir les déficits de l'État et des comptes sociaux, et 100 milliards pour rembourser le capital de la dette arrivant à échéance. Au moment où nous allons aborder la réforme de la taxe professionnelle, il faut absolument que nous posions en principe la sécurisation des recettes.

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