Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.
J'ai bien conscience que l'examen de ce texte peut apparaître en décalage avec les préoccupations du moment. La crise que nous traversons alimente, bien évidemment, les inquiétudes et mobilise tous nos efforts pour en sortir.
Il peut sembler vain de se pencher sur le passé, fût-il d'ailleurs extrêmement récent, lorsque tout nous porte à tourner le regard vers l'avenir, cet avenir que le Président de la République nous a appelés à préparer, avec une ambition renouvelée, il y a une semaine au Congrès.
Pourtant, ce projet de loi de règlement n'est pas complètement étranger à l'actualité que nous vivons et à la vision que nous en avons. Les résultats qu'il présente portent déjà la marque des chocs qui ont secoué notre économie.
Le déficit budgétaire arrêté dans le projet de loi de règlement est de 56,3 milliards d'euros – c'est une augmentation de 14,6 milliards par rapport à la loi de finances initiale et, fait plus significatif, de 4,8 milliards par rapport à la dernière prévision du collectif voté ici même en décembre dernier. Cette détérioration du déficit n'est que la traduction des chocs que nous avons connus, en deux temps, l'année dernière.
Tout d'abord, le choc de l'inflation sur le premier semestre de l'année 2008 – ce n'est pas si lointain, on peut s'en souvenir – s'est essentiellement répercuté sur la progression des dépenses. Celles-ci ont excédé de 4 milliards l'objectif fixé en loi de finances initiale, sous l'effet, essentiellement, d'une forte augmentation de la charge de la dette et, en particulier, du provisionnement de la charge d'indexation des obligations indexées à hauteur de 3,3 milliards au total. La réserve de précaution constituée en début de gestion ne pouvait suffire à contenir l'explosion de ce coût. Il ne faut pas s'en étonner. La réserve nous permet de faire face aux aléas d'une gestion courante ; elle trouve rapidement ses limites face à des chocs de cette ampleur. Ce dépassement de l'objectif des dépenses – inédit depuis plusieurs années – ne témoigne en rien d'un relâchement des efforts. Il faut le resituer dans le contexte d'une inflation qui a pratiquement doublé par rapport à la prévision sur laquelle a été construite la loi de finances initiale de 2008. Rapportée à une inflation observée de 2,8 % en 2008, l'évolution des dépenses respecte strictement la règle du « zéro volume ». Cette règle est d'autant plus exigeante en 2008 qu'elle s'apprécie désormais sur un périmètre de dépense que nous avons élargi aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne ainsi qu'aux affectations de recettes, fiscales et non fiscales, au profit de tiers.
J'y ajouterai un deuxième motif de satisfaction. L'année 2008 marque d'incontestables progrès dans l'assainissement des relations financières entre l'État et les régimes de sécurité sociale. Souvenez-vous ! L'exercice 2007 s'était soldé par la reconstitution d'une dette de 1,7 milliard envers les régimes en dépit de l'apurement de plus de 5 milliards de dettes constatées au 31 décembre 2006. Un an plus tard, cette dette ne s'est accrue que 0,4 milliard.
Ce résultat est le fruit des efforts que nous avons réalisés : d'abord dans l'amélioration de la budgétisation des crédits, ensuite dans la poursuite de l'apurement des dettes anciennes puisque nous y avons encore consacré 750 millions d'euros l'année dernière. Je souligne également l'effort de redéploiement effectué en fin d'année pour gager l'ouverture de presque 800 millions d'euros de crédits sur les dotations à la sécurité sociale. J'ai bien une légère déception en vous annonçant que l'objectif de stabilisation de la dette envers la sécurité sociale n'a pas été tout à fait tenu l'an dernier. Nous le devons, notamment, aux effets de la crise, par exemple pour ce qui concerne la forte augmentation du coût des prestations d'aide au logement : 200 millions d'euros en fin d'année.
Le deuxième choc est évidemment celui de la crise économique qui s'est développée à la fin de l'année dernière et dont nous voyons principalement les effets dans l'évolution des recettes fiscales. La crise n'a pas attendu 2009 pour se traduire dans les chiffres : la moins-value de recettes fiscales que nous enregistrons frappe par son ampleur. C'est un manque à gagner de 11,7 milliards d'euros par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale. Sur ce montant, la crise en explique au moins 8,5 milliards. Sans surprise, les moins-values sont concentrées sur les impôts les plus exposés au retournement de la conjoncture. Les recettes de l'impôt sur les sociétés sont en retrait de 4,6 milliards par rapport aux prévisions initiales, celles de TVA sont en recul de 5,1 milliards d'euros.
Ces chiffres ne sont, en réalité, que les indicateurs avancés d'une crise qui se prolonge, avec l'acuité que vous connaissez, en 2009. La baisse des acomptes de l'impôt sur les sociétés versés en fin d'année dernière préfigure le manque à gagner qu'on observe cette année sur le solde dû au titre de l'exercice 2008 et, plus encore, la forte augmentation que nous avons subie en 2009 des restitutions de l'impôt sur les sociétés.
Il en va de même de la TVA. Au-delà de l'effet lié à l'accélération des délais de remboursement des crédits de TVA aux entreprises, la baisse de la TVA témoigne surtout du mouvement de déstockage des entreprises. Les ajustements ont été très rapides. Il faut espérer un effet favorable en retour, lorsque les entreprises reconstitueront leurs stocks et reprendront leurs investissements. La consommation des ménages, qui porte environ sur 60 % des recettes de TVA, tient plutôt bien pour sa part.
La crise n'a eu, en revanche, qu'une incidence limitée sur les comptes de l'exercice 2008. Je parle des comptes et non du résultat budgétaire. Le résultat comptable ressort en perte de 73,1 milliards en 2008. L'explication de cette dégradation d'un peu plus de 30 milliards par rapport à 2007 relève, en réalité, de facteurs en partie étrangers à la crise. Le résultat comptable est, tout d'abord, affecté par les reprises de dettes pour un montant de 13 milliards sur 30 milliards en 2008, dont 8 milliards au titre du FFIPSA – les régimes agricoles. La lecture du résultat est, ensuite, brouillée par la progression importante des provisions et amortissements à hauteur de 9 milliards. Dans un contexte où l'information comptable se veut toujours plus exhaustive pour répondre à l'exigence du certificateur, il est délicat de tirer des enseignements de cette évolution d'une année sur l'autre. En réalité, on passe de plus en plus de provisions pour amortissement.
L'enrichissement de la comptabilisation des éléments d'actif et de passif de l'État affecte également en partie l'interprétation que l'on peut faire de l'évolution du bilan de l'État. Par rapport à 2007, l'amélioration du recensement et de la valorisation des actifs conduit à réévaluer de 555 milliards en 2007 à 639 milliards l'actif de l'État dans les comptes de l'exercice 2008.
Les travaux ont aussi été poursuivis depuis l'an dernier pour mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l'État. Le montant du passif ressort ainsi à 1 325 milliards, incluant un peu plus de 1 000 milliards d'euros de dettes financières.
Cette double évolution, à l'actif et au passif, conduit en définitive à une dégradation limitée de la situation nette de l'État : 30 milliards pour une perte comptable de 70 milliards sur l'exercice.
Pour donner une véritable portée à la comparaison des chiffres, je vous invite à prendre date pour l'année prochaine. Nous allons, en effet, mettre sur le métier l'établissement de comptes pro forma afin de mieux coordonner les résultats des exercices successifs, à méthode et périmètre donnés.
Paradoxalement, les efforts que nous avons réalisés pour améliorer la qualité des comptes ont nui à leur exploitation. Avec le recul de trois années, nous devrions disposer, en 2010, d'un cadre d'analyse plus stabilisé, plus complet, mieux éclairé. C'est le rendez-vous que je vous donne pour concrétiser les fruits d'une réforme comptable dans laquelle beaucoup se sont investis. Je remercie le rapporteur général de l'avoir souligné, mercredi dernier, au cours de l'audition.
La certification des comptes, même assortie de réserves, est une reconnaissance importante des efforts accomplis depuis plusieurs années par l'ensemble de l'administration. Il ne tient qu'à nous de faire davantage des comptes un instrument de gestion publique et un outil de son contrôle. À l'évidence, nous ne partons pas de zéro. Les comptes nous ont déjà obligés à nous pencher, par exemple, sur la gestion des stocks ou de l'immobilier. II faut poursuivre le mouvement : mieux apprécier la réalité des marges de manoeuvre budgétaire par la connaissance des dettes et des charges à payer ; mieux développer la démarche d'analyse et de gestion des risques. À défaut de donner un second souffle à la réforme comptable, nous risquons de la voir s'enfermer dans la recherche, d'ailleurs assez vaine à mes yeux, de la certification pour elle-même.
C'est en des termes à peine différents que je formulerai l'enjeu qui nous est posé sur la démarche de performance initiée par la LOLF. En effet, la mesure de la performance de l'action publique est plus que jamais un impératif. La LOLF a voulu faire de l'examen du projet de loi de règlement un moment beaucoup plus important du débat parlementaire. En dépit des contraintes de calendrier, ce rendez-vous entre le Parlement et le Gouvernement a légèrement gagné en existence. Votre assemblée s'est impliquée dans cet exercice en renouvelant, cette année, l'audition de ministres en commission élargie. Les comportements changent, mais j'ai la conviction qu'il est possible d'aller encore plus loin dans l'évaluation des résultats.