Mes chers collègues, le rapport que je vous présente et qui vient d'être adopté par la mission d'information commence par un constat sur l'état de nos finances publiques. Les trente-six personnalités que nous avons auditionnées ont toutes insisté sur le caractère historique de la dégradation de nos comptes publics.
Ainsi, en 2009, le déficit des administrations publiques atteindra 8,2 % du PIB et le coût des intérêts de la dette publique s'élèvera à 2,8 % du PIB. Celui-ci pourrait même s'élever à 3,7 % du PIB en 2012. Dès lors, la situation pourrait devenir problématique en cas de remontée des taux d'intérêts.
Le rapport de la mission d'information traite d'un second aspect qui porte sur la dette sociale. Je vous rappelle que, ces dernières années, la dette sociale a été transférée à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), qui doit achever son amortissement en 2021. Depuis sa création en 1996, ce sont 134,5 milliards d'euros qui ont ainsi été transférés et, à ce jour, 40 milliards d'euros ont, d'ores et déjà, été amortis.
Or, le déficit de la sécurité sociale en 2009 s'élèvera à 24 milliards d'euros, le déficit attendu pour 2010 étant de 30 milliards d'euros. Lorsque nous avons interrogé le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), celui-ci nous a indiqué que la sécurité sociale avait frôlé la cessation de paiement à l'été 2008 du fait de la faible activité des banquiers à cette période. L'ACOSS avait alors éprouvé des difficultés à placer ses billets de trésorerie.
Mais à ce rythme, du fait de l'ampleur du déficit annoncé pour l'année prochaine, le plafond de découvert de l'ACOSS devra être relevé à 60 milliards d'euros.
La deuxième partie du rapport de la mission d'information concerne les propositions. Une première série de propositions porte sur l'État et les ministères suivis par la Commission des Lois.
Notre première proposition est relative à l'amélioration des conditions de collecte de l'impôt sur le revenu grâce au prélèvement à la source. Nous sommes, en effet, le dernier pays à ne pas prélever cet impôt à la source. Une telle réforme permettra de simplifier les procédures et de mettre fin, par exemple, à la ressaisie des déclarations papier. Le prélèvement de l'impôt à la source permettra ainsi de réduire ces coûts de fonctionnement.
Notre deuxième proposition vise à raboter les « niches fiscales » : le montant de chacune des niches serait ainsi diminué de 10 %, à l'exception du crédit d'impôt recherche. Certaines niches fiscales ont été signalées à notre attention au cours de l'audition du Premier Président et du Président de la quatrième chambre de la Cour des comptes. Il s'agit des dispositifs dits « Girardin immobilier » et « Girardin industriel ». Au cours de cette audition, l'inclusion des bateaux de plaisance dans le « Girardin industriel » a été pointée du doigt.
La troisième proposition consiste à taxer l'économie grise, dès le premier euro. Actuellement, les services fiscaux peuvent reconstituer le niveau de revenus à partir du train de vie d'une personne, mais la taxation de ces revenus n'intervient qu'à partir de 40 000 euros. Nous proposons de les taxer dès le premier euro.
Une deuxième série de propositions vise à stimuler l'investissement en France et à sanctionner les comportements abusifs.
Tout d'abord, nous proposons que soient adoptées des règles favorisant un amortissement plus rapide, afin d'inciter les entreprises à investir davantage.
Ensuite, nous avançons des mesures visant à conditionner le versement des aides directes aux entreprises au respect de certains critères. Nous suggérons, pour ce faire, que soit mis en place un groupe de travail chargé de définir les critères d'une « entreprise citoyenne ». Seules ces entreprises dites « citoyennes », c'est-à-dire respectant l'ensemble des critères ainsi définis, pourront alors recevoir des aides publiques. Ces critères seront à la fois sociaux et environnementaux et les commissaires aux comptes devront indiquer, dans leur rapport annuel de certification des comptes, si l'entreprise a satisfait au respect de ces critères.
Une troisième série de propositions vise à faire de l'État un acteur exemplaire, ce thème de l'exemplarité étant apparu, de manière récurrente, tout au long de nos auditions.
La première de ces propositions consiste à obliger l'État, à l'instar de ce qui se pratique aux Pays-Bas, à élaborer le budget de l'année sur la base de l'hypothèse de croissance économique la plus prudente, afin d'éviter toute perte de recettes budgétaires en cours d'exercice par rapport aux prévisions initiales.
La seconde de ces propositions consiste à taxer, de manière forfaitaire, les logements et véhicules de fonction, dont l'État est propriétaire, toujours dans ce souci d'exemplarité.
Une quatrième série de propositions cherche à optimiser l'organisation de l'État et à réduire le coût de l'action administrative.
La première proposition que je tiens à citer à ce titre porte sur les normes, qui sont en nombre considérable et qui les collectivités locales doivent appliquer au prix de coûteux travaux, notamment en matière d'équipements sportifs. Il existe aujourd'hui une commission consultative d'évaluation des normes, qui accomplit un travail remarquable sous la présidence d'Alain Lambert. Il faut encourager ce travail et, au-delà d'un état des lieux, franchir une nouvelle étape. Notre proposition est double : d'une part, assouplir 1000 normes d'ici le 31 décembre 2010, et, d'autre part, établir un moratoire de cinq ans sur les nouvelles normes techniques, dont les coûts induits ne seront pas intégralement compensés au profit de la collectivité en charge de les appliquer. Il faut en effet que soit repensé le rapport qualité-prix de chaque norme. Ainsi, on nous a cité l'exemple de l'élévation exigée des protections des murs des dojos, de quelques centimètres, qui n'aurait apporté qu'un très faible gain en termes de sécurité, mais aurait généré de nouvelles dépenses considérables.
La deuxième proposition en la matière consiste à reprendre une mesure que les ministères n'ont pas pleinement mise en oeuvre à ce jour, à savoir chiffrer le coût de chaque procédure administrative et réduire la charge des 1 000 procédures les plus lourdes pour les entreprises, dans l'esprit du programme de l'Union européenne défini par le commissaire Günter Verheugen.
Nous proposons également que les pouvoirs publics poursuivent la mutualisation, au niveau régional, des fonctions supports de tous les services déconcentrés de l'État, à l'exception toutefois de ceux de la Justice afin d'en respecter l'indépendance.
Nous proposons la création d'une prime positive d'assiduité dans la fonction publique. Comme l'ont souhaité certains de nos membres, la mission estime qu'il convient également de rechercher les causes de cet absentéisme dans certains services de l'administration.
Dans le cadre de la politique d'achats de l'État, je propose d'appliquer aux dépenses de l'État le mécanisme de l'escompte. Si le paiement est réalisé dans un délai inférieur à cinq jours, l'État devrait ainsi pouvoir obtenir une réduction du prix payé de 1,5 %.
La mission a également souhaité faire des propositions concrètes pour les ministères de la Justice, de l'Intérieur, de l'Immigration, suivis par la commission des Lois.
S'agissant du ministère de la Justice, nous proposons le développement de la médiation familiale. Dans le cadre des précédents travaux de la Commission, nous avons pu constater que beaucoup de litiges, relatifs au paiement des pensions ou aux droits de garde, pouvaient être réglés rapidement dans le cadre de la médiation alors que les procédures devant les tribunaux demeurent souvent très longues et compliquées.
Nous proposons de fusionner, et non pas de supprimer, la juridiction de proximité avec la justice de première instance. Ainsi, les juges de proximité seront toujours associés aux formations collégiales dans les tribunaux d'instance ou les tribunaux correctionnels. Leur intervention ne serait supprimée que dans certaines procédures.
Une autre des propositions concernant le ministère de la Justice vise à développer plus encore la visioconférence, afin de réduire le nombre des extractions judiciaires qui ne sont pas absolument nécessaires et qui ont un coût certain pour les finances publiques. La prudence est de mise pour les extractions médicales. Nous proposons seulement d'encourager, chaque fois que possible, le recours à la télémédecine et à la vidéo-consultation, ce qui pourrait d'ailleurs permettre l'intervention plus simple de médecins spécialistes.
Nous proposons, par ailleurs, de simplifier la procédure du permis de conduire. La procédure actuelle donne lieu à une suspension administrative puis à une suspension judiciaire du permis, ce qui peut conduire à des décisions contradictoires, que ne comprennent pas nos concitoyens, avec un coût là encore tangible pour nos comptes publics. La mission propose donc que soit mise en place une procédure judiciaire unique de suspension du permis de conduire plus simple et plus compréhensible.
S'agissant des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et commettant une infraction de faible gravité, la mission propose de donner la possibilité au Procureur de la République de suspendre les poursuites lorsque la personne concernée s'engage à quitter le territoire volontairement. Si cette personne revenait sans autorisation sur le territoire, alors les poursuites s'appliqueraient. Dans le même esprit, lorsque la gravité de l'infraction est telle qu'elle nécessite l'engagement de poursuites par le Procureur de la République, nous proposons que la juridiction de jugement, après avoir reconnu le prévenu coupable, puisse ajourner, pendant un mois, le prononcé de la peine, afin de permettre, pendant cet ajournement, l'exécution effective de la mesure d'éloignement par un départ volontaire du prévenu.
Le rapport comporte également plusieurs propositions concernant l'organisation des collectivités locales.
Tout au long des auditions, les personnes que nous avons entendues ont souligné le coût qu'avait pu engendrer la mise en place des structures intercommunales, car, dans les faits, l'intercommunalité est souvent apparue comme un nouveau niveau d'administration, venu se greffer aux structures existantes. Nous avons interrogé les magistrats de la Cour des comptes sur ce sujet, mais ils n'ont pas été en mesure de nous fournir d'indicateurs permettant de mesurer le degré actuel de mutualisation des structures communales et intercommunales.
Aussi, la mission présente une proposition selon laquelle la mutualisation des services sera désormais une compétence obligatoire des structures intercommunales, compétence qui sera exercée à la suite d'un vote à la majorité simple de l'assemblée délibérante. Ainsi, par exemple, la mutualisation des services d'achats au niveau de l'intercommunalité permettra que le nouveau service mutualisé soit ensuite facturé aux communes qui sont membres de la structure intercommunale, ce que reconnaît désormais possible le droit européen.
Dans le rapport de la mission d'information, nous avons également mis en lumière le fait que l'État n'avait pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation. C'est pourquoi nous proposons la réduction des doublons qui existent entre l'État et les collectivités locales.
Le rapport avance aussi une proposition destinée à lutter contre les abus en matière de dépenses de communication des collectivités territoriales. Ces dépenses sont tout à fait légitimes pour assurer le développement économique de la collectivité et promouvoir celle-ci au-delà de son territoire. Mais certaines collectivités font également de la communication dans leur propre ressort, ce qui s'apparente davantage à de l'autopromotion qu'à une action en faveur du développement local. C'est pourquoi, nous proposons de taxer ces dépenses au bénéfice de la CADES au nom de l'exemplarité.
Nous faisons également une proposition visant à encadrer les subventions versées aux associations, en interdisant aux collectivités de verser une subvention de fonctionnement de plus de deux cents euros à une association, dont les réserves financières sont supérieures à son budget de fonctionnement d'une année.
La mission appelle en outre à mettre fin aux financements croisés entre collectivités, comme l'avait proposé la mission d'information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales dans le rapport de MM. Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas.
Enfin la mission a voulu dans son rapport faire un ensemble de propositions sur la dette sociale. Aujourd'hui, parce qu'on n'a cessé de lui donner de nouvelles dettes à amortir, la CADES doit perdurer jusqu'en 2021.
Je vous rappelle que c'est la Commission des Lois qui a pris l'initiative de faire voter en 2005 un amendement de nature organique destiné à assurer le transfert à la CADES de ressources nouvelles en cas de transfert de toute nouvelle dette. La situation actuelle impose de nouvelles mesures.
Le déficit de la sécurité sociale s'est élevé à 10 milliards d'euros en 2008 et doit atteindre 24 milliards d'euros en 2009. S'il atteint 30 milliards d'euros en 2010, le plafond pour le découvert de l'ACOSS devra être relevé à 60 milliards d'euros. C'est pourquoi nous présentons les propositions suivantes : transférer de droit tout déficit constaté au titre d'un exercice achevé à la CADES et lui affecter une ressource nouvelle propre à en assurer l'apurement, d'une part, et prévoir que si le montant du déficit prévisionnel inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale dépasse 10 milliards d'euros, le déficit au-delà de ce montant sera de droit transféré à la CADES avec une recette nouvelle propre à assurer la couverture de ce déficit, d'autre part.
En effet, l'ACOSS n'a pas vocation à garder de tels déficits dans ses comptes. Par ailleurs, au cours de nos auditions, on a attiré l'attention des membres de la mission sur le fait que, compte tenu de l'évolution des dépenses, il était nullement certain que le seul retour de la croissance permette le rétablissement de l'équilibre des finances sociales.
Le rapport fait enfin plusieurs préconisations concernant les recettes de la sécurité sociale : étendre l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) afin de l'aligner sur celle de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), concernant la vente des métaux précieux et les jeux ; retirer la CRDS du « bouclier fiscal », dans la mesure où la CRDS est une contribution qui sert au financement de la dette sociale, identifiée et cantonnée, et non pas une imposition ordinaire ; taxer les stock-options et les retraites chapeaux.
S'agissant de l'assurance maladie, la mission propose une rationalisation du réseau des caisses primaires d'assurance maladie ainsi que la possibilité de s'affilier à la caisse la plus proche de son domicile en cas de difficultés d'affiliation. En effet, M. Rémi Pellet, professeur à Sciences Po, a évoqué devant la mission la complexité de certaines situations et la charge que pouvait représenter, pour les personnels, le contrôle des droits ouverts entre les différents régimes.
Le rapport évoque enfin des mesures plus ponctuelles comme le développement de modes de garde des jeunes enfants plus économes et les changements de comportement des assurés, face aux dépenses de santé, toujours dans le souci de maintenir à terme la pérennité de ces droits sociaux.
Le rapport se conclut sur une proposition, qui découle du constat posé au départ : celle d'organiser, avant la fin du premier semestre 2010, un « Sommet national de la dette publique ». L'objectif de ce sommet serait de réunir l'ensemble des forces politiques et sociales, afin de parvenir à la définition d'un agenda partagé de retour à l'équilibre des comptes publics, à charge pour chaque force politique de proposer ensuite aux Français les moyens qu'elle choisira pour respecter cet objectif commun. Il est, en effet, nécessaire de définir une position commune dans notre pays, au moment où le déficit public de l'Allemagne représente 2,75 % du PIB cette année, contre 8 % en France.
Le rapport de la mission d'information est le fruit d'une démarche exceptionnelle dans laquelle nous nous sommes engagés à la demande du Président de l'Assemblée nationale. Nous, parlementaires, ne pouvons pas dire que nous ne connaissons pas l'état de la situation. Nous avons un devoir de lucidité à l'égard de nos concitoyens. Parce que la dette et les déficits s'accumulent depuis 1974, chacun doit prendre ses responsabilités.