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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 8 septembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Madame la ministre d'État, je souhaite profiter de cette réunion pour porter publiquement une réclamation, que je vous ai adressée par écrit voilà plus d'un mois, et à laquelle je n'ai pas encore reçu de réponse. Elle illustre les mauvaises conditions dans lesquelles cette loi pénitentiaire est préparée.

Après l'annonce, fin juillet, de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire, j'ai sollicité par trois fois l'administration pénitentiaire pour des autorisations d'organisation de débats ; j'ai essuyé trois refus successifs de sa part.

Ma première demande était faite à l'instigation de La Chaîne Parlementaire, qui travaille au sein même de l'Assemblée nationale. LCP avait souhaité organiser un débat sur le texte dans un centre de détention, et j'avais proposé la maison d'arrêt de Caen. J'ai essuyé un refus de M. Claude d'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire.

La deuxième demandait l'organisation d'un tel débat au sein du studio d'enregistrement de cette même maison d'arrêt. Les émissions ainsi produites sont diffusées au sein du centre de détention. Dans ce studio travaillent des détenus et des membres du personnel ; c'est un outil de réinsertion remarquable. Nous sommes nombreux à participer régulièrement à des émissions qui y sont organisées. J'avais proposé que s'y tienne un débat sur la loi, associant le personnel pénitentiaire du centre, la direction et les détenus. La direction de l'administration pénitentiaire m'a opposé un nouveau refus.

Enfin, j'ai souhaité organiser dans ma circonscription – comme nous sommes sans doute nombreux à le faire – une table ronde réunissant tous les acteurs locaux intervenant en détention – associations, personnel pénitentiaire, surveillants… Seul un directeur-adjoint de centre a pu y participer, les autres membres de l'administration pénitentiaire invités n'ayant apparemment pas reçu à temps l'autorisation. Je veux bien croire qu'il n'y a pas là d'intention délibérée, mais je trouve particulièrement regrettable cette mauvaise organisation.

Madame la ministre d'État, je souhaiterai vous entendre sur l'article 1erA, ajouté par le Sénat, qui porte sur le sens même de la peine. Le titre sous lequel il figure est ainsi libellé : « Du sens de la peine de la privation de liberté ». Ne croyez-vous pas qu'il y manque un élément sur le sens de la privation de liberté quand aucune peine n'a encore été prononcée ? En France, le quart des détenus est en détention provisoire ! Ces détenus ne sont donc pas concernés par cet article dans son actuelle rédaction.

De la table ronde que j'ai organisée il est ressorti ce que soulignent depuis longtemps tous les rapports, toutes les missions d'information parlementaire.

C'est d'abord la surpopulation en maison d'arrêt ; nous le savons tous, elle interdit toute prise en charge décente des personnes détenues. Les statistiques mêlent souvent centres de détention et maisons d'arrêt. Mais le taux d'occupation du quartier hommes de la maison d'arrêt de Caen est de 200 %. Comment le personnel pourrait-il travailler correctement, et la réinsertion des détenus se faire ? Les nouveaux droits inscrits par le Sénat resteront lettre morte tant que perdurera cette surpopulation. Les syndicats de personnels eux-mêmes le disent et réclament l'encellulement individuel. L'institution d'un numerus clausus, comme en centre de détention, est un préalable indispensable à une mise en oeuvre intéressante de ce texte. Au passage, au centre de détention de Caen, la taille d'une cellule est de 5,44 m2.

Je n'évoquerai pas ici le traitement des femmes, des mineurs, des étrangers, déjà évoqué par Aurélie Filippetti et George Pau-Langevin, ni le manque de moyens.

En matière de travail, je prône de faire entrer en détention, partout où c'est possible, le droit commun, la loi de tous. Le travail en détention est peu formateur, insuffisamment rémunéré, et ne garantit aucun droit social. Il faut avancer sur ces points. Pourquoi la difficulté de trouver des entreprises proposant du travail en détention devrait-elle peser sur le détenu ? Un travailleur en détention est d'abord un travailleur. Sa rémunération ne doit pas être d'autant plus basse que peu d'entreprises sont candidates. D'autres voies que la rémunération doivent pouvoir être trouvées pour inciter les entreprises à proposer du travail en détention. La majorité n'a pas besoin que je lui suggère des idées d'incitations fiscales…

Madame la ministre d'État, je n'ai été rassurée sur les intentions ni du Gouvernement, ni de la majorité envers ce projet de loi. Les larges améliorations apportées par le Sénat le laissaient encore décevant. J'espère que son contenu ne régressera pas lors de son examen en séance publique.

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