Si la prison est bien une sanction, je rappelle qu'à la suite des émeutes de 1974, le président Giscard d'Estaing, découvrant des établissements en très mauvais état et des conditions de détention extrêmement dures, avait souligné que cette sanction devait être la privation de la liberté, et rien d'autre. C'est dire ma surprise de voir ce débat resurgir aujourd'hui. À cet égard, le présent texte, du moins tel qu'il nous est transmis par le Sénat, me paraît une bonne introduction, car il insiste sur les droits – et les devoirs – des détenus.
Il s'agit d'assurer la protection – celle des victimes, bien entendu, celle des détenus, mais aussi celle du personnel pénitentiaire – et de préparer la réinsertion des détenus. De ce point de vue, le suivi médico-psychologique est fondamental. J'en veux pour preuve que dès la réforme Amor, il y a soixante ans, et la création, à la maison d'arrêt de Fresnes, du Centre national d'observation, le CNO, il est apparu évident qu'un détenu n'était pas qu'un numéro d'écrou, mais également une personne, certes condamnée, en instance de punition, mais différente des autres détenus. Depuis le XIXe siècle, l'empilement et la promiscuité sont considérés comme l'école de la récidive et du crime ; on passerait à côté de la question si l'on n'individualisait le regard que l'administration pénitentiaire, composée de professionnels aguerris, porte sur les détenus. Madame la ministre, nous sommes inquiets pour l'avenir du CNO : nous espérons le voir renaître – sans doute sous une forme régionalisée – et souhaitons que des moyens importants lui soient affectés.
Il convient de partir des éléments positifs. Ainsi, la loi de 1994 avait fait rentrer la médecine pénitentiaire dans le droit commun. Il importe de poursuivre le développement des unités de consultations et de soins ambulatoires, des unités hospitalières spécialement aménagées et des unités hospitalières sécurisées interrégionales et que le ministère de la santé s'implique davantage dans les soins aux détenus et dans la prévention.
Nous proposerons pour notre part des amendements relatifs aux bilans de santé ainsi qu'à la présence dans nos prisons de 20 à 30 % de personnes en grande difficulté psychique ou psychiatrique. L'audition de nombreux professionnels a montré que l'augmentation du nombre de celles-ci était le problème majeur rencontré par de nombreux établissements. Aucune amélioration ne pourra être apportée au système carcéral tant que cette situation perdurera – et les discours démagogiques sur la responsabilité pénale ne feront qu'ajouter aux difficultés. Le fait est que se trouvent aujourd'hui en prison des personnes n'y seraient pas allées autrefois, parce qu'elles auraient été soignées dans d'autres établissements. C'est pourquoi nous souhaitons insister sur le devoir de partenariat entre les professionnels de santé et le personnel pénitentiaire.
Une des conséquences très graves du mauvais état de santé du système pénitentiaire français est l'augmentation effrayante du nombre de suicides dans les prisons. Peut-être, monsieur Vanneste, y a-t-il davantage d'incarcérations en Grande-Bretagne, mais c'est la France qui détient le plus fort taux de suicide parmi les détenus. Le rapport Albrand n'avait pas été suivi d'effet au printemps. Vous avez voulu, madame la ministre, apporter des réponses d'urgence. Nous souhaitons qu'elles soient suivies de mesures s'inscrivant dans la durée, et qu'un travail de prévention soit poursuivi.
Se pose en outre le problème du vieillissement de la population carcérale. En effet, chers collègues de la majorité, si, du fait de vos lois répressives, davantage de personnes sont incarcérées et la durée des peines allongée, il y aura de plus en plus de personnes âgées et handicapées en prison ! J'espère que les amendements que nous avons déposés à l'initiative de l'Association des paralysés de France seront votés à l'unanimité. Il faut examiner ces questions avec attention et humanisme, afin d'éviter la situation américaine, où des octogénaires croupissent dans des prisons-maisons de retraite.
Vous vous déclarez favorable à l'encellulement individuel, tout en y apportant, au nom du pragmatisme, certaines restrictions. Il y a pourtant un moment où il faut s'en tenir aux principes – qui, en l'occurrence, sont les règles pénitentiaires européennes. Certes, certains peuvent souhaiter partager leur cellule avec un codétenu, mais j'imagine que personne ne demande à être sur un matelas par terre dans une cellule de quatre, cinq ou six !
Par ailleurs, l'encellulement individuel constitue la meilleure protection contre les maladies infectieuses qui se propagent en prison, comme la tuberculose ou la grippe A. Comment stopper la contagion avec une telle promiscuité ? Louerez-vous des hôtels ? Le personnel pénitentiaire et les détenus sont inquiets. Je crains que la situation ne devienne rapidement dramatique.
Il est de notre devoir de vous alerter sur ces points, et nous le continuerons à le faire tout au long du débat.