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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 8 septembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Par la présente loi, nous avons la possibilité de construire dans notre pays une justice juste. Ne manquons pas cette occasion !

Tout d'abord, il faut faire de la prison un lieu de droit, afin de lutter contre ce que le président de la République a appelé, lors du Congrès de Versailles, l'indignité de la situation pénitentiaire. Pour cela, il convient également de garantir aux personnels – dont vous avez avec justesse, madame la ministre, souligné le dévouement dans la réalisation d'une tâche difficile – des conditions de travail dignes.

Ensuite, il faut passer d'une culture de l'enfermement pur à une culture qui lui associe un travail, non seulement de réinsertion, mais aussi de surveillance à la sortie – étant entendu qu'une partie de la peine peut s'effectuer hors détention.

Enfin, l'amélioration du système doit permettre d'améliorer la protection des victimes : victimes passées, en imposant des restrictions aux sortants de prison, et victimes à venir, en luttant contre le renouvellement des infractions.

Plusieurs chiffres attestent la gravité de la situation : 63 000 détenus pour 53 000 places – la surpopulation étant concentrée dans les maisons d'arrêt, puisque les centres de détention bénéficient d'une sorte de numerus clausus ; 2 600 conseillers d'insertion et de probation pour les suivre et gérer près de 150 000 mesures en milieu ouvert ; enfin, l'Annuaire statistique de la justice fait état de 85 000 personnes sorties de prisons en 2006. Sur ce total, 6 000 ont bénéficié d'une libération conditionnelle et 15 000, en détention provisoire, ont été libérées sur décision du juge d'instruction ; les quelque 65 000 qui restent sont sorties en fin de peine : cela signifie que nous devons fournir un effort très important pour assurer le suivi des sortants de prison.

Je partage l'analyse de mes collègues Noël Mamère et Jean-Jacques Urvoas : vous vous trouvez, madame la ministre, dans une situation paradoxale. Vous nous avez tenu un discours particulièrement mesuré, et tout à fait appréciable, mais la majorité à laquelle vous appartenez surfe depuis plusieurs années sur le thème de la lutte contre la délinquance, utilisant ces questions de manière quasi obsessionnelle. Cette armée de « surfeurs » vous réclame sans cesse plus de répression ; elle ne se satisfera pas de mesures qui, pourtant, nous paraissent raisonnables.

Évitons les faux débats ! La question du seuil ne se pose pas : c'est le juge d'application des peines qui décide de la sanction et de l'aménagement. Par ailleurs, on compte 100 000 peines d'emprisonnement de moins d'un an et 7 000 à 15 000 de moins de deux ans : dans les faits, la question de l'aménagement de ces dernières ne se pose pas. Passé le seuil d'un an, on délivre en général un titre de détention, ce qui entraîne l'incarcération immédiate et fait obstacle à tout aménagement de peine.

La question des récidivistes constitue un autre faux débat. Pour le sens commun, un récidiviste est une personne qui recommence à commettre des infractions après avoir été condamnée : il est évident qu'elle doit être punie davantage que celle qui commet sa première infraction. Or la notion juridique de « récidiviste » ne recouvre pas cette réalité, puisque la récidive correctionnelle correspond à la répétition d'un même délit, après une condamnation définitive.

Prenons un exemple : un individu s'introduit chez une vieille dame en se faisant passer pour un agent d'EDF et lui subtilise ses économies. Il est condamné à six mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel. Mécontent, il se dispute avec l'agent de police de faction et le frappe : il s'agit d'un acte antisocial grave, mais non d'une récidive, pour deux raisons : il ne s'agit pas d'un vol, mais d'une violence volontaire ; de plus, la condamnation correctionnelle étant sous le coup de l'appel, elle n'est pas encore définitive.

Par la répression de la récidive, on s'acharne donc sur une catégorie juridique, non sur une délinquance particulière, et l'on omet les réitérants, quelle que soit la gravité de leurs actions. De surcroît, la loi de 2007 instituant les peines plancher a déjà traité de la situation du récidiviste : il n'y a pas lieu de recommencer à l'occasion de l'exécution de la peine, alors que les récidivistes nécessitent un suivi particulier.

Nous souhaitons formuler plusieurs propositions, visant à enrichir le débat.

Tout d'abord, lorsque deux personnes doivent partager neuf mètres carrés, nulle dignité n'est possible et tous les beaux discours sur les droits des détenus ne sont que glose inutile. Afin d'adapter le nombre de places au nombre de détenus, nous proposons d'adopter une sorte de numerus clausus, impliquant la sortie automatique des détenus les plus proches de la fin de peine, suivant un mécanisme apparenté à celui proposé par le texte concernant l'aménagement automatique des peines quand il reste quatre mois ou les deux tiers d'une peine de six mois à exécuter.

Afin de garantir la surveillance des personnes qui sortent de prison, nous proposons d'instaurer un mécanisme de libération conditionnelle à deux tiers de peine, automatique sous réserve que le juge d'application des peines ne s'y oppose pas. On passerait ainsi d'une culture de l'enfermement à une culture de la surveillance.

Nous proposons également une modification du fonctionnement des commissions de discipline, ainsi qu'une amélioration de la situation disciplinaire des surveillants de prison – qui, dans certains cas, peuvent être sanctionnés sans réunion de la commission de la discipline.

Nous souhaitons que de ce travail en commun émerge la pénalité, sinon du XXIe siècle, du moins des dix à quinze prochaines années.

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