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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 8 septembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Comme l'a relevé M. Urvoas, le texte présente plusieurs contradictions. Présenter un tel texte dans le cadre d'une procédure d'urgence revient à mépriser le travail parlementaire et à escamoter le débat. Compte tenu, en outre, des nouvelles règles imposées pour la discussion en séance publique, cette loi pénitentiaire ne sera pas examinée comme il conviendrait de le faire dans une grande démocratie.

Vous vous êtes livrée, madame la ministre, à un véritable exercice de schizophrénie politique. Comment, en effet, défendre une loi pénitentiaire dont l'un des trois piliers est celui de l'insertion, alors que, depuis 2002, votre majorité a fait voter plusieurs lois qui jettent systématiquement les gens en prison, comme les lois sur les peines plancher, sur la récidive ou sur la rétention de sûreté, qui est une véritable honte, sans parler de quelques propositions de loi déposées par certains de nos collègues devenus depuis lors ministres, ni des propos de votre successeur au ministère de l'intérieur qui, à la veille des élections régionales, brandit le vieil épouvantail de la « tolérance zéro » ? Comment présenter sérieusement une loi pénitentiaire qui consisterait à améliorer la condition des détenus et à éviter l'enfermement systématique alors même que la politique à laquelle vous participez est une politique du chiffre et une culture du résultat ?

Ces contradictions obligent le représentant du peuple que je ne suis à situer dans son contexte le projet que vous nous soumettez après son examen par le Sénat.

Il n'est certes pas difficile de se reconnaître dans les lieux communs qui nous sont tenus depuis des décennies sur la condition des détenus et la nécessité d'humaniser nos prisons. Nous sommes ici un certain nombre à avoir participé à la commission d'enquête sur les prisons – qui n'était d'ailleurs pas une initiative parlementaire, mais avait été créée à la suite de l'émotion suscitée par le livre d'un médecin de la prison de la Santé : la logique était plus celle du suivisme que celle de l'anticipation qu'attendent de nous nos électeurs. Nous sommes plusieurs également à avoir poursuivi ce travail hors du cadre de la commission et nous constatons que, malgré ce rapport, adopté à l'unanimité, rien n'a changé et que les conditions ont même empiré.

Je souscris au point de vue de M. Urvoas sur la question de l'encellulement individuel et je regrette, madame la ministre, que, comme votre prédécesseur, vous ne défendiez pas cette idée, au motif que la présence d'un codétenu pourrait permettre de prévenir les suicides.

La question du suicide, que vous avez évoquée dans une conférence de presse, est certes une question majeure – elle est notamment le révélateur de la condition des détenus et de la difficulté qu'éprouvent les surveillants de prison à détecter ceux qui se trouvent dans des situations suicidaires. Cependant, plusieurs parlementaires ou associations remettent en cause les chiffres que vous avez cités, et nous demanderons dans les jours prochains la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la réalité des suicides en prison.

À l'instar des premières mesures prises par le Gouvernement, comme la loi sur les peines plancher, votre texte est en totale contradiction avec les propos tenus durant sa campagne électorale par le Président de la République, qui insistait alors sur l'individualisation des peines.

Vous avez déclaré tout à l'heure que les SPIP auraient un rôle important à jouer et que le juge d'application des peines validerait leur avis. Les SPIP étant des personnels pénitentiaires, ils seront juge et partie. C'est pour l'administration pénitentiaire une manière de dépouiller le juge de ce qu'elle considère comme son bien, alors qu'il devrait précisément revenir au juge de décider, au titre de l'individualisation de la peine, de ce qu'il convient de faire.

Durant le débat, nous insisterons beaucoup sur la question des régimes différenciés. Comme l'a relevé M. Urvoas et comme nous le montrerons, il n'est pas juste d'affirmer que le texte met en oeuvre les recommandations européennes. Au fond, vous appliquez aux centres de détention des dispositions qui s'appliquent aujourd'hui aux maisons d'arrêt. La mutinerie qui a éclaté voici quelques jours à Salon-de-Provence à cause d'un transfèrement de cellule manifeste que cette pratique très courante pose des problèmes.

Le rapport Canivet a bien montré que, dès que la porte de la prison se referme, c'est une autre société qui s'ouvre, brutale, violente, discriminatoire et ségrégationniste. Il nous faut donc résister avec force aux propositions que vous formulez sur le régime différencié et qui ne font que mettre en place une forme de tri.

Si donc je n'approuve pas ce texte, c'est pour des raisons bien différentes de celles de M. Ciotti.

Vous êtes, madame la ministre, prisonnière de votre électorat et des ultras de votre majorité. Comment pouvez-vous à la fois satisfaire ceux qui demandent toujours plus d'enfermement, de « tolérance zéro » et de condamnations et nous proposer une loi pénitentiaire qui allège la souffrance de ceux qui, s'ils ont une dette à payer, ne peuvent être traités comme des sous-hommes, des sous-citoyens ? Soyez certaine que nous serons très présents au cours de la discussion parlementaire et défendrons les points de vue que je viens d'exposer.

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