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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 8 septembre 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Je soutiens le Gouvernement dans son souci d'améliorer le respect de la dignité humaine dans les conditions de détention, qui est l'un des objectifs majeurs de ce texte. Les difficultés actuelles ne font pas honneur à notre pays et de nombreux progrès sont nécessaires. Le texte propose des réponses importantes et le Sénat lui a apporté des améliorations utiles et pertinentes.

Pour ce qui concerne la question douloureuse des suicides en prison, qui ont atteint un nombre inacceptable pour notre démocratie, je proposerai un amendement tendant à confier à un observatoire national le soin de rédiger un rapport annuel et d'établir des statistiques par établissement.

Je tiens cependant à exprimer de très fortes réserves quant au second volet, ajouté par le Sénat, relatif aux aménagements de peine, qui présente des risques, sinon des dangers. La loi doit en effet s'inscrire dans le cadre d'une politique plus globale de lutte contre la délinquance et de défense du droit des victimes – un droit essentiel qui a, selon moi, autant de valeur que celui des détenus. Cette politique voulue par le Président de la République et par notre majorité est mise en oeuvre depuis deux ans par le Gouvernement, qui adresse en permanence aux délinquants un message de fermeté clair et cohérent. La loi d'août 2007 sur les peines plancher s'inscrivait naturellement dans cet esprit de fermeté et de justice, tout comme l'action que vous avez menée place Beauvau, madame la ministre. Ce n'est pas le cas, en revanche, du projet de loi qui nous est soumis, qui ne manquera pas d'adresser aux délinquants un message de clémence.

Ainsi, l'article 32 affirme que l'emprisonnement devient l'exception. Alors que l'exemplarité de la sanction doit avoir une valeur essentielle, cet article dispose qu'« une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » et que, « dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle », faire l'objet de mesures d'aménagement. Autant dire que, sous ces conditions très restrictives, la peine de prison ferme ne pourra pratiquement plus être exécutée, sinon même prononcée. Cet article est pour moi inacceptable, car il adresse aux victimes un message alarmant et aux délinquants un message d'impunité.

Sans remettre en cause le principe de l'aménagement de peine, je trouve tout aussi inacceptable l'article 48, qui prévoit le caractère quasi automatique de l'aménagement de peine pour les condamnations à deux ans de prison ou pour lesquelles deux ans de prison restent à accomplir. Je m'élève également contre l'élévation des seuils à laquelle a procédé le Sénat.

Je partage avec le Gouvernement le souci de trouver une solution au problème carcéral, mais les aménagements de peine ne doivent ni être automatiques, ni devenir la variable d'ajustement des places disponibles en prison. Le texte que nous examinons permettra la remise en cause systématique, dans le huis clos du cabinet d'un juge d'application des peines, des peines décidées souverainement par les tribunaux. Le nombre de mises en liberté qui en découlera, certes difficile à évaluer, sera très élevé – selon l'estimation publiée cet été par un hebdomadaire satirique paraissant le mercredi, 10 000 détenus pourraient en bénéficier.

Ce texte suscite déjà une très grande inquiétude de la part des policiers et des gendarmes. Selon le syndicat policier Synergie-officiers, le projet de loi « met en péril toute la chaîne de lutte contre l'insécurité ». En l'état, je ne me sens donc guère en mesure d'approuver ses dispositions relatives à l'aménagement des peines. M. le rapporteur, qui a effectué un excellent travail sur ce texte, déposera tout à l'heure des amendements visant à en gommer certains des aspects les plus dangereux, comme je l'ai fait moi-même pour exclure les récidivistes de ces dispositions d'aménagement des peines.

Je fais confiance au Gouvernement, au rapporteur et à la Commission pour améliorer ce texte, dont l'esprit a été quelque peu dénaturé par le Sénat.

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