J'ai beaucoup plus apprécié votre intervention, madame la ministre d'État, que je n'apprécie le texte. Vous avez mis l'accent sur les deux questions essentielles que sont d'abord le mieux vivre en prison, sachant que si l'on y vit si mal, c'est tout simplement parce que l'on n'a pas construit suffisamment de places – le taux d'incarcération est ainsi bien plus faible en France qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne : 90 pour cent mille habitants contre 144 pour les Britanniques – et, ensuite, la préparation de la réinsertion, notamment par la semi-liberté ou les peines de substitution.
A la suite de plusieurs affaires parues dans la presse, notamment de suicides, nous avons pris l'habitude de parler de la prison comme Michel Foucault le pressentait dans Surveiller et punir, lorsqu'il parlait de la honte à punir de la justice moderne. Cette mauvaise conscience se sent très bien dans le texte. Il n'est qu'à voir la part consentie d'un côté aux droits des personnes incarcérées et de l'autre à leurs devoirs : c'est le cheval et l'alouette ! Et l'on n'en parle même pas dans le titre, ce qui est extrêmement symbolique. C'est pourquoi je dois rappeler que les détenus ont des devoirs et que le but de la prison n'est pas seulement de réinsérer les détenus, même si c'est impératif, mais aussi tout simplement de faire respecter la loi et de réparer le mal fait aux victimes – en grande partie oubliées dans ce texte. Une idée de Durkheim à laquelle je suis très attaché est que l'application de la loi est le meilleur moyen de créer de la cohésion sociale parmi les gens, les plus nombreux, qui ne seront jamais des délinquants – ce qu'il appelle la « solidarité », au sens sociologique du terme. Si l'emprisonnement a une mauvaise image, si 20 % des personnes qui y sont condamnées y échappent – soit 82 000 personnes aujourd'hui ! –, ce n'est pas bon pour l'ensemble des citoyens, découragés devant une société qui ne fonctionne pas et qui n'est pas capable de garantir ses valeurs.
Ce qui nous ramène au problème essentiel de la gestion hôtelière – du nombre de places disponibles. Nous avons un stock que je crains que la loi veuille transformer en flux, en favorisant les sorties et en réduisant les entrées avec des mesures comme la semi-liberté ou les peines de substitution. Or le non juriste que je suis n'approuve pas que ces mesures soient appliquées en fonction de quanta et non selon des types de délits. Je considère, par exemple, que l'allongement de la durée des travaux d'intérêt général est une réponse parfaitement adaptée à certains types de délinquance, comme les bandes. En revanche, prévoir une limite générale de deux ans pour les aménagements de peine permet de remettre dans la nature un récidiviste qui a commis une agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans, une femme qui a poignardé son compagnon ou un voleur qui a déjà dix-sept condamnations. Ce n'est pas une bonne solution !
J'en profite pour revenir, madame la ministre, sur cette question des travaux d'intérêt général – j'avais souhaité il y a quelque temps qu'ils soient privilégiés et allongés. Vous m'aviez répondu que ce n'était pas réaliste et qu'il valait mieux construire des prisons, mais je continue à penser que le développement de cette mesure est beaucoup plus réaliste ! En Suisse, ces travaux représentent 720 heures, contre 210 heures seulement en France. Le texte abaisse encore la durée des travaux d'intérêt général, réduisant le seuil minimum de 40 à 20 heures. C'est, selon moi, un signal très négatif.
Quant à la surveillance électronique, il est certes satisfaisant de posséder un gadget à la mode, mais ce « machin » ne répond pas à tout. Vous savez en effet qu'une agression a été commise très récemment à Montpellier dans un débit de tabac par un homme de 36 ans qui était pourtant placé sous surveillance électronique. N'oublions pas l'objectif de la loi, qui est de contribuer à instaurer la sécurité dans notre pays en terrorisant ceux qui prétendent y porter atteinte, en sécurisant les victimes et en permettant à ceux qui veulent s'amender de le faire dans les meilleures conditions possibles.