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Intervention de Laure de La Raudière

Réunion du 6 octobre 2009 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière, rapporteur :

Vous connaissez mon attachement à réduire la fracture numérique. Nous souhaitons tous, quelle que soit notre appartenance politique, que tous les Français bénéficient des mêmes services numériques sur tout le territoire – je parle bien de « services » et non de « technologies » –, qu'il s'agisse de télévision numérique ou de réseaux à très haut débit.

La proposition de loi déposée par le sénateur Xavier Pintat a pour objectif d'accélérer le déploiement, sous l'égide des collectivités territoriales, et dans les zones non denses, des réseaux de communications électroniques à très haut débit. Elle a été complétée et modifiée par le Sénat, souvent à l'initiative de son rapporteur Bruno Retailleau, qui est aussi président de la commission du dividende numérique. Ont ainsi été adoptées des dispositions visant à accélérer le développement du très haut débit et un titre entier concernant la télévision numérique. En son état actuel, la proposition de loi crée des schémas directeurs d'aménagement numérique des territoires, qui doivent être élaborés et mis en oeuvre au sein des territoires, ainsi qu'un fonds national de péréquation destiné à financer les aides.

S'agissant du déploiement de la fibre optique, le retard français, voire occidental, est indéniable puisque 85 % des prises FTTH – Fiber To The home : fibre jusqu'au foyer – se trouvent en Asie, presque exclusivement au Japon et en Corée. Chez nous, l'insécurité juridique en est en partie la cause puisque certains opérateurs auraient pu commencer à déployer leur réseau dès 2006. La loi de modernisation de l'économie en 2008 a mis fin à certaines incertitudes en instituant une obligation de mutualisation de la partie terminale, la plus proche du consommateur, en un point situé en dehors des limites de propriété privée, sauf dans les cas définis par l'ARCEP, qui, sur ce fondement, s'apprête à prendre une décision de régulation du déploiement de la fibre pour la partie terminale. La proposition de loi élargit donc le pouvoir dont dispose l'ARCEP en matière de régulation de l'accès et de l'interconnexion en lui permettant de fixer les modalités de déploiement de la fibre en zone dense, et autorise une prochaine décision visant à éviter le mitage de la couverture en fibre, en obligeant les opérateurs à équiper des ensembles cohérents de logements.

L'accroissement des pouvoirs de l'ARCEP suscite des inquiétudes qui ne me semblent pas fondées, dans la mesure où ne sont concernés que l'accès et l'interconnexion. D'une manière plus générale, le législateur ne peut pas, pour des raisons tant juridiques que techniques, réguler dans le détail les réseaux de communications électroniques. À nous de poser les grands principes, à l'ARCEP de préciser. Ce partage du travail exige toutefois que nous nous assurions envers elle la même fonction de contrôle que vis-à-vis du Gouvernement. Sans doute l'asymétrie d'information entre le régulateur et le législateur doit-elle nous pousser à être très sourcilleux à son égard.

Les études disponibles évaluent le coût nécessaire pour combler le retard français et mailler la majeure partie du territoire à 40 milliards d'euros. Pour mobiliser une somme aussi énorme, il faudra faire appel à toutes les sources de financement disponibles, et de manière progressive. Aussi convient-il d'investir dans les technologies alternatives à la fibre optique susceptibles d'offrir un accès au très haut débit, comme les réseaux mobiles de quatrième génération, ou encore une couverture par des satellites de nouvelle génération.

Le texte s'attache aussi à différents dispositifs concernant le passage à la télévision numérique. Si la diffusion de la TNT est bien avancée – 88 % de la population couverte pour un objectif de 95 % –, l'extinction de la télévision analogique n'a pour l'instant fait l'objet que d'expérimentations. Elle devrait débuter à une échelle significative dans quelques mois en Alsace.

La migration vers le tout numérique prend place dans un contexte économique difficile pour les chaînes privées historiques alors que les nouvelles chaînes numériques, en forte croissance, n'ont pas encore atteint l'équilibre financier. Le passage au tout numérique, qui va de pair avec l'extinction de la télévision analogique au 30 novembre 2011, apportera un enrichissement extraordinaire de l'offre de services audiovisuels, avec plus de chaînes de meilleure qualité. Parallèlement, la réduction de la bande de fréquence utilisée pour la diffusion de la télévision par voie hertzienne libérera les fameuses fréquences « en or » du dividende numérique, dont l'utilisation sera nécessaire pour amener le très haut débit mobile sur tout le territoire et constituera parfois l'unique solution pour les zones les moins bien desservies actuellement.

La politique de la télévision numérique repose sur quatre principes.

Premièrement, la couverture totale. Tous les résidents en France doivent recevoir gratuitement la télévision numérique. Grâce à la diffusion combinée par voie hertzienne et par satellite, ce principe sera évidemment respecté.

Deuxièmement, la rationalité des moyens de couverture. Lorsque la diffusion par voie hertzienne sera significativement plus coûteuse que les autres, on devra y renoncer. C'est la raison pour laquelle la loi sur la télévision du futur fixe à 95 % de la population l'objectif de couverture par voie hertzienne en qualité standard, à un niveau inférieur à celui constaté actuellement. Les économies réalisées par les chaînes grâce à la réduction de la couverture hertzienne ont eu pour contrepartie une hausse de leur contribution à la production. D'après les données détaillées que j'ai pu me procurer, le coût annuel de la diffusion hertzienne s'élève à 10 000 euros par an pour six chaînes dans les régions les moins peuplées. L'installation d'une parabole, dont la durée de vie est de l'ordre de dix ans, coûte environ 250 euros par foyer. Sur la base de dix-huit chaînes, et d'une personne et demie par foyer, la voie satellitaire est largement préférable à la voie hertzienne au-dessous du seuil de 1 500 personnes couvertes par une antenne.

Troisièmement, l'équité entre les territoires. Le législateur n'avait pas inscrit explicitement ce principe dans le droit. Mais le Conseil supérieur de l'audiovisuel a eu la sagesse d'en tenir compte dans ses décisions relatives aux sites. Je précise seulement à ce stade que les mesures prises par le CSA sur ce fondement ont fait l'objet de la part de certaines chaînes de contestations auxquelles les articles 1er A et 1er B de la proposition de loi visent à faire obstacle.

Quatrièmement, la neutralité financière pour les ménages modestes. La migration représentera un coût significatif, notamment dans les zones qui ne seront plus couvertes par voie hertzienne. L'installation d'une parabole et d'un décodeur coûte environ 250 euros. Le Premier ministre a annoncé que le fonds d'aide existant serait complété par un nouveau fonds qui prendrait en charge le coût pour la moitié la plus modeste des ménages.

En résumé, la réduction de la couverture hertzienne sera modérée. Elle devrait même être inférieure aux estimations actuelles qui se fondent sur les hypothèses les plus restrictives. L'équipement en parabole pour la majorité des ménages qui ne seront plus desservis par voie hertzienne sera entièrement pris en charge par l'État, tandis que la réception gratuite par voie satellitaire est garantie. Toute obligation de couvrir des sites nouveaux ne pourrait que retarder une migration déjà contrainte. L'ouverture de nouveaux sites après extinction ne servirait à rien car tous les foyers en zone d'ombre auront migré vers le satellite. En outre, la libération des fréquences du dividende numérique à la fin de 2011 est une urgence économique et correspond à un engagement européen. Voilà pourquoi je vous demande, chers collègues, de ne pas introduire de modification à la liste des 1 626 sites à couvrir arrêtée par le CSA. Il faudra en revanche interroger le Gouvernement sur le fonds appelé « 102 bis » destiné à compléter le fonds déjà créé, pour accompagner le passage à la télévision numérique. Ne convient-il pas de moduler ses interventions en fonction des ressources des bénéficiaires, quitte à en élargir l'accès ? Les amendements sur ces différents points n'étant pas recevables, ils ne seront pas examinés. Pour autant, monsieur le ministre, le débat au fond ne doit pas être éludé.

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