Lorsque j'ai soulevé la question auprès du ministère de l'agriculture, on ne m'a pas répondu que les crédits de l'installation étaient transférés sur d'autres postes, sans quoi je vous assure que nous aurions déjà réagi ; j'attends confirmation qu'ils ne sont pas touchés.
Le rôle de l'interprofession est d'établir un cadre et de le faire respecter, un cadre qui permette aux gens de se parler, de s'entendre sur les volumes, de s'organiser. C'est là que se trouve l'enjeu. Les agriculteurs français ne doivent pas entrer dans la bataille des coûts de production, ils iraient au massacre. En revanche, ils peuvent améliorer leur régulation ou développer des spécificités. Est-il bien nécessaire de mettre 10 % de ses volumes de blé sur le marché mondial, qui ne rapporte rien à personne, juste pour exister alors qu'on importe 80 % de ses protéines pour animaux ? Nous avons déjà posé la question dans le cadre du bilan de santé de la PAC. C'est un système aberrant. Le sujet est inter-filières : si la France veut des bases plus sereines, il faut moins d'importations et plus d'autosuffisance. Si la balance commerciale de notre pays est positive pour l'agriculture, ce n'est pas grâce au blé et autres matières premières mais au vin, au fromage ou au foie gras. Cela suppose une régulation européenne mais dans ce domaine comme dans d'autres, avoir raison le premier n'est pas souhaitable. Nous sommes les seuls par exemple à refuser un prix du lait à 280 euros. Les autres arriveront à produire à ce prix-là, mais pas nous.
Parler d'un financement des collectivités locales à propos du statut de créateur d'entreprise agricole n'était qu'un exemple des possibilités qu'il pourrait ouvrir. Ce qui est essentiel, c'est d'assurer une couverture sociale à des gens qui sortent de l'école et qui n'ont jamais travaillé. C'est à cela qu'il doit servir.
Pour ce qui est de l'urbanisation, il est bel et bon que chaque commune dispose de sa carte communale, mais l'enjeu n'est pas purement local ! Il s'agit aussi de reconstituer une activité agricole dans des zones industrielles désaffectées, par exemple, ce qui implique de faire disparaître amiante et béton. Il s'agit également de peser l'utilité des zones d'activité : toutes les intercommunalités veulent la leur, mais chez moi par exemple, elle pourra attendre les industries longtemps, faute d'autoroute ! Il faut veiller à la cohérence du territoire.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit sur le contrôle du prix des fermages, sauf pour ce qui concerne la défiscalisation. Nous souhaitons offrir la défiscalisation la plus haute possible à ceux qui traitent avec un jeune agriculteur, pour donner à celui-ci un avantage comparatif face à ceux qui ont plus de moyens. Mais cela n'empêchera jamais les gens de proposer plus : certains ont bien acheté des quotas à 400 euros la tonne pour agrandir leur exploitation ! C'est l'offre et la demande qui font le marché. La défiscalisation permet seulement à un agriculteur qui va toucher 700 euros par mois, comme mon père en partant à la retraite, de ne pas être imposé lorsqu'il transmet à un jeune. S'il vend plus cher à un exploitant installé, il doit aussi être plus lourdement imposé.
Je me suis mal exprimé à propos du Farm Bill. Il s'agit d'une politique de soutien qui donne des garanties sur les volumes, les prix ou une part d'aide alimentaire par exemple. Je n'en demande pas tant. En revanche, disposer de garanties sur les volumes me permettrait de beaucoup mieux gérer mon exploitation, alors qu'elle me coûte de l'argent depuis deux ans. Certes, certains font des investissements surdimensionnés mais pour ma part, le problème est le manque de production. On a parlé d'une augmentation des rendements céréaliers mais chez moi, la moyenne est de quatre tonnes et demie par hectare. À 90 euros la tonne, il n'y aura pas de bénéfices ! Il y a des exploitants qui ont été payés 400 euros les mille litres de lait, mais d'autres qui n'ont pas assez de revenus et à qui un filet de sécurité serait bien utile.
Pour ce qui est du prix de revient, je suis d'accord avec ce qui a été dit, mais j'insiste sur l'importance d'une diversité de productions sur les exploitations. Cela reste la première des assurances. Par ailleurs, pour répondre à M. Raison, l'organisation de la profession et la réglementation européenne sont deux problématiques différentes. Vouloir s'organiser, c'est constater, comme l'ont fait nos prédécesseurs en créant les coopératives, que l'on pèse plus lourd face aux intermédiaires quand on vend deux mille tonnes que lorsqu'on en vend deux cents. C'est un contrat collectif.
Pour ce qui est de la reconnaissance du salarié, étant toujours dans l'optique d'encourager l'installation des jeunes, je ne peux pas concevoir qu'il puisse être considéré de la même façon qu'un associé en termes de taille de l'exploitation. Il peut devenir un associé, raison pour laquelle il faut faire un geste, mais pas à la même hauteur : on change plus vite de salarié que d'associé !
Enfin, les normes issues du Grenelle sont une problématique à elles seules. Elles nous ramènent à la question de la compétitivité et des distorsions de concurrence. Dans ce domaine, l'harmonisation européenne est absolument nécessaire. La taxe carbone, qui n'est pas souhaitable en l'état actuel, serait bénéfique si elle nous permettait d'éviter, comme le font les États-Unis, que les produits qui ne respectent pas le même cahier des charges entrent chez nous.