Nullement. Nous prônons plutôt un encadrement, un accompagnement de la filière allié à une meilleure régulation du marché par les Etats. Ainsi puis-je expliquer la crise du lait : au-delà d'une inadéquation ponctuelle de l'offre et de la demande, le marché communautaire, qui est globalement autosuffisant, est aujourd'hui déséquilibré par des prix mondiaux qui dépendent principalement des exportations australiennes et néo-zélandaises… Lesquelles ne comptent pourtant que pour quatre pour cent des volumes produits ! Les quotas aujourd'hui vilipendés existent depuis 1984, même s'ils ont été mal intégrés à la politique agricole commune à l'occasion de l'élargissement de l'Union. Or, les surplus de production jouent un rôle déterminant dans la formation des prix. Une meilleure organisation ne changera rien à cet état de fait. Les relations entre les producteurs et les distributeurs ne sont pas renégociés chaque jour : elles reposent sur des contrats tacites. D'ailleurs la contractualisation existe déjà dans le secteur laitier, elle existe également dans le secteur des céréales où la profession est bien organisée, 75 % de la production étant commercialisée par des coopératives : cela n'a pas empêché les prix des céréales de chuter à moins de 100 euros la tonne. Dans ces conditions, les autorités communautaires ont beau jeu de demander aux producteurs de s'adapter mais alors que la crise fait rage depuis plusieurs mois, on ne voit pas de quelles adaptations la politique communautaire a fait l'objet pour aider les agriculteurs.
C'est la raison pour laquelle les aides accordées aux paysans doivent effectivement être des aides compensatoires de handicaps. Aujourd'hui c'est l'inverse : on aide plus ceux qui sont déjà les mieux dotés. Les aides céréalières sont plus importantes dans le bassin parisien que sur le reste du territoire français. Ce système marche sur la tête. Il faudrait rétablir un minimum d'intelligence dans l'allocation des aides.
Bien que ce ne soit pas strictement en lien avec la loi de modernisation, je rappelle aussi qu'il y a des choix qui ont été faits en matière fiscale et assurantielle, qui permettent aussi à ceux qui sont le mieux dotés en capital de pouvoir concentrer encore plus de capital : avec la DPI (déduction pour investissement) ce sont 140 millions d'euros par an qui vont directement aux 50 000 plus grandes fermes. Il faudrait vérifier la pertinence de ces choix.
Aucun système d'aide ne sera en mesure de régler la crise du lait : la baisse des prix a entraîné un manque à gagner de 2 milliards d'euros qui ne pourra être compensé par une quelconque aide publique. Ce n'est pas au contribuable de payer le prix du produit.
En ce qui concerne nos propositions concrètes, nous avons d'abord une demande concernant l'accès aux métiers. Nous sommes bien conscients que l'essentiel de la production et de la consommation passe désormais par des filières longues. Néanmoins, aujourd'hui, il y a une explosion du nombre d'installations sur des modèles atypiques, alors que seuls étaient reconnus autrefois des modèles avec une forte concentration de capital. Il faut donc que l'accès au métier et les aides évoluent sur ce point.
La relocalisation des productions est également un sujet majeur. On ne doit pas aboutir à un système dans lequel on finance des exportations de céréales à bas prix et où de l'autre coté on importe des millions de tonnes de soja. Chaque français a aujourd'hui derrière sa maison 650 mètre carrés de soja. Cette question a également partie liée avec la valorisation des sols. Évidemment je ne parle pas ici de l'exportation de vins et spiritueux ou de produits laitiers à haute valeur ajoutée.