Je ne pense pas que la loi de modernisation agricole puisse être dissociée des évolutions de la politique agricole commune attendues en 2013. Pourquoi anticiper cette échéance ? Un autre texte devra t-il être examiné après ? Force est de constater qu'aujourd'hui, l'essentiel des décisions sont prises à Bruxelles et non à Paris – ce qui n'exonère aucunement la responsabilité du ministre de l'agriculture dans la prise de ces décisions, puisque celui-ci siège au conseil des ministres européen.
Je souhaiterais soulever une question de fond qui concerne notre conception des aides agricoles : doit-il s'agir d'aides aux paysans ou d'aides aux produits ? Pour ma part, je crois que l'aide au paysan ne permet pas de faire vivre un agriculteur : lorsque les prix des produits sont trop bas, aucun subside public ne peut suffire à garantir un revenu suffisant. En revanche, l'intervention sur les marchés afin de constituer des prix de soutien est une solution efficace. L'aide au paysan ne doit venir qu'en compensation d'un handicap spécifique.
S'agissant de la compétitivité, il convient effectivement de s'interroger sur ce que l'on veut promouvoir à travers ce mot : s'agit-il d'efficacité ou de compétition ? A cet égard, il faut bien distinguer la compétitivité de la taille des unités agricoles. On a vu de grandes exploitations non rentables et de petites surfaces performantes. Seules la technicité et la rationalité de l'organisation prévalent en réalité. Chacun doit rechercher une forme d'efficacité sans laquelle le système ne peut se perpétuer, aussi bien dans l'intérêt du producteur que dans celui de son interlocuteur.
Personne ne s'oppose à un développement des circuits courts de distribution, mais ils ne sont pas toujours adaptés : ils me semblent ainsi difficilement applicables à une région fortement urbanisée comme l'Ile-de-France. Plus généralement, on ne peut pas se passer des intermédiaires que sont les commerçants. La légitimité de leur intervention ne fait pas débat. Il y a certainement au sein de cette profession de mauvaises pratiques, mais aucune corporation ne peut garantir la vertu de la totalité de ses membres.
Je conclurai mon propos par une considération internationale sur le rôle de la France vis-à-vis des pays pauvres afin de battre en brèche une idée assez répandue selon laquelle « on n'a pas à exporter ». Or je crois dans le devoir de la France, terre fertile, de se montrer solidaire envers les autres nations moins bien dotées en terres arables. Je l'ai constaté personnellement au cours d'un déplacement en Egypte. Nous avons une responsabilité envers le monde qui nous interdit de rejeter par principe toute forme d'exportation de notre production agricole en direction du Sud.