La machine est grippée, faute de carburant, et pourtant elle tourne. En effet, si l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie avait été largement dépassé en 2007, il s'est considérablement réduit pour 2008, à 900 millions d'euros, et l'ONDAM pour 2009 semble devoir être quasiment respecté : on estime qu'il ne sera pas dépassé de plus de 300 millions d'euros, c'est-à-dire moins de 0,2 %. C'est un résultat dont chacun s'accorde à dire qu'il est acceptable, peut-être même inattendu. Cela n'était pas arrivé depuis au moins une quinzaine d'années. J'y vois le fruit de deux efforts : d'une part, un effort de réalisme dans la définition de l'ONDAM, notamment pour son sous-objectif relatif aux soins de ville ; d'autre part, un effort constant de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, mené par les pouvoirs publics en lien avec les professionnels de santé.
Cette politique fait désormais la preuve de son efficacité. On ne peut pas, à mon sens, contester l'implication des professionnels de santé dans la maîtrise des dépenses. Et alors qu'un régime d'austérité était sur toutes les lèvres, le PLFSS pour 2010 privilégie cette politique de maîtrise médicalisée. Ces efforts devront bien entendu être poursuivis en 2010. C'est sur cet équilibre que repose l'économie générale de ce projet de loi.
Proposer un ONDAM pour 2010 en croissance de 3 %, cela représente pour le système de santé 4,8 milliards d'euros de plus qu'en 2009. Cet effort, que l'on peut qualifier de considérable au regard de la situation de nos finances publiques, permettra de mettre la santé des Français à l'abri de la crise. Le haut niveau de protection sociale auquel nous tenons est conforté. Mieux encore, il est proposé de placer les dépenses liées à l'éventuelle grippe A, si pandémie il y avait, hors du périmètre de l'ONDAM.
Madame la ministre, vous faites le choix de refuser toute mesure douloureuse mais, en contrepartie, 2,2 milliards d'euros d'économies sont prévus dans ce « bouclage » financier. Ces économies reposent sur un approfondissement de notre politique de maîtrise médicalisée des dépenses. De façon logique, certaines mesures ne relèvent d'ailleurs pas de la loi. C'est le cas des baisses de tarifs de certains actes, du prix de certains médicaments ou de l'évolution de leur taux de remboursement de base. C'est également le cas de la hausse proposée du forfait hospitalier après trois années de stabilité.
Le présent texte renforce par ailleurs certains outils de la politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Ainsi, il rénove la procédure de mise sous accord préalable qui permet de réduire les comportements de « surprescription ». Aujourd'hui, cette procédure est efficace, mais lourde et un peu stigmatisante. Il est proposé de créer une procédure alternative fondée sur un contrat d'objectifs entre les caisses et les praticiens surprescripteurs.
De même, on sait que les personnes prises en charge à 100 % au titre d'une affection de longue durée ont tendance à ne pas sortir de ce régime, alors même que les cas de guérison sont de plus en plus nombreux. Vous avez retenu l'un des scénarios de la Haute autorité de santé : le texte propose de faciliter la sortie du régime des affections de longue durée en créant un dispositif d'exonération du ticket modérateur pour les soins de suivi post-ALD. La commission a adopté un amendement tendant à ce que ce dispositif puisse être proposé pour plusieurs pathologies qui ont été référencées par la Haute autorité de santé, et pas seulement pour le cancer comme le laissait entendre l'exposé des motifs.
Pourquoi ne pas avoir évoqué le bouclier sanitaire ? Mais je passe sur ce sujet !
En observant ce qui se fait à l'étranger, votre commission a adopté des amendements qui visent à développer des modes de prise en charge plus efficients qu'aujourd'hui, par exemple en promouvant la chirurgie en centre autonome et la dialyse à domicile, comme cela avait été évoqué par la Caisse nationale d'assurance maladie. Elle a aussi adopté plusieurs amendements tendant à favoriser le développement des médicaments génériques.
S'agissant de l'hôpital, le projet de loi, qui s'inscrit dans le prolongement de la loi dite HPST, vise à mieux réguler les dépenses hospitalières en renforçant la maîtrise médicalisée et, surtout, en améliorant les efforts d'efficience.
L'article 31 met ainsi en place deux nouvelles mesures destinées à optimiser la régulation des dépenses dynamiques dont le taux d'évolution moyen a été de près de 8 % par an au cours de la dernière décennie, c'est-à-dire les dépenses dynamiques de transport.
En premier lieu, il instaure un nouveau dispositif de régulation des dépenses de frais de transport des établissements de santé destiné à inciter à une meilleure organisation des transports sanitaires.
En second lieu, un nouveau cadre d'expérimentations en matière de gestion des dépenses de transport liées aux prescriptions hospitalières est mis en place. Il s'agit de développer des modes de transports plus efficients, comme les transports partagés.
Concernant la tarification à l'activité, l'article 32 reporte à 2018 l'achèvement de la convergence intersectorielle. Ce point a occasionné de nombreux débats en commission, comme d'ailleurs dans d'autres enceintes. Je voudrais tout d'abord rappeler qu'il ne s'agit en aucun cas de revenir sur le principe de la convergence qui est incontestable. Comme le rappelait le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie en 2009, « il n'y a aucune raison de payer à des tarifs différents des prestations homogènes ».
Le report de la convergence intersectorielle s'impose pour deux raisons : il est en premier lieu impératif de poursuivre les études nécessaires pour analyser plus finement l'écart résiduel entre les tarifs publics et privés, et faire ainsi la part entre des différences dans la nature des charges – fiscales, salariales, les MIGAC – qui justifient des écarts de tarifs, et des différences de productivité qui ne peuvent fonder une différence de tarifs. Madame la ministre, la remise au Parlement du rapport sur la T2A devrait être avancée au 15 juin de chaque année, et non pas prévue en octobre, car cela permettrait aux parlementaires de mieux l'exploiter. Un amendement a été adopté en ce sens.
L'achèvement du calendrier de la convergence tarifaire, qui reste fixé à 2012, impose un effort de restructuration important pour certains établissements publics de santé dans un contexte financier marqué par l'existence de quelques situations déficitaires. Il semble que 40 % des établissements annoncent un déficit pour un montant total d'environ 800 millions d'euros. Dès lors, la soutenabilité des ajustements exigés pour les établissements publics imposait également que l'on ne réalise pas une convergence intersectorielle à marche forcée.
Si le report à 2018 de l'achèvement de cette convergence se justifie pleinement, il a pour conséquence de retarder, pour l'assurance maladie, les économies attendues d'une convergence orientée vers les tarifs du secteur privé, qui pourraient profiter à l'ensemble du secteur hospitalier. Mais il ne faudrait pas que le report de la date d'achèvement du processus de convergence affaiblisse le secteur des établissements privés de santé qui jouissent de l'estime des Français.
Les efforts visant la convergence intersectorielle ne doivent donc pas être interrompus. Il faut se féliciter, madame la ministre, d'avoir indiqué que des rapprochements tarifaires seront réalisés dès 2010 sur quelques dizaines de groupes homogènes de séjour – GHS – pour une économie de 150 millions d'euros. Pour ne pas interrompre les efforts nécessaires, j'ai fait adopter en commission un amendement disposant que le rapport remis chaque année par le Gouvernement sur l'état d'avancement du processus de convergence précise désormais explicitement « la méthode et les étapes permettant de progresser vers la convergence intersectorielle d'ici à 2018 ».
Au chapitre des accidents du travail et des maladies professionnelles, le projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte également des améliorations en mettant délibérément l'accent sur la prévention. Ce projet de loi améliore tout d'abord le régime juridique des cotisations supplémentaires. L'article 42 instaure ainsi un montant plancher pour ces cotisations supplémentaires, afin de les rendre réellement dissuasives. L'article 42 donne également une base législative à l'octroi, par les futures caisses de retraite et de santé au travail, de subventions directes aux petites entreprises qui s'engageront à respecter des programmes nationaux ou locaux de prévention.
D'autre part, l'article 43 assure le financement des fonds, que ce soit le FIVA ou le FCAATA, destinés aux victimes de l'amiante. Je me félicite à ce sujet que la commission ait adopté deux amendements directement inspirés des travaux de la mission parlementaire, conduite par M. Roy et M. Lefrand, dont la création avait été proposée l'année dernière et qui tend à remplacer la liste d'établissements permettant de bénéficier du FCAATA par un système combinant une liste de secteurs d'activité et une liste de métiers à risque.
Enfin, le phénomène de sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles continue d'être mieux pris en compte avec le maintien de l'augmentation de la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie à hauteur de 710 millions d'euros, comme en 2009. Sur ce sujet d'importance, la commission a adopté un amendement aux termes duquel le Gouvernement lancera une réflexion d'ensemble sur l'évolution des tableaux des maladies professionnelles et déposera un rapport au Parlement avant la fin juin 2010.
Pour l'ensemble de ces raisons, et sous la réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires sociales demande donc à l'Assemblée nationale d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)