Alors que s'achève péniblement la ratification du traité de Lisbonne après presque dix années de controverses institutionnelles, la réflexion sur la révision complète de la structure des dépenses et recettes de l'Union va bientôt être lancée. 2010 s'annonce déjà comme une année charnière. Au débat sur les institutions devrait donc enfin succéder celui sur les politiques. Et les questions budgétaires seront au coeur de ces enjeux politiques.
Les événements se bousculent, les crises se succèdent, mettant en lumière l'obsolescence du cadre de programmation financier actuel.
Si l'Europe réagit, parfois vaillamment, elle n'anticipe plus. Elle est donc confrontée à la dure tâche de mener de front toutes les réformes auxquelles elle n'a pas procédé jusqu'à maintenant. Quelles politiques doivent être menées de concert au niveau européen ? Comment doivent-elles être financée ? À quelle hauteur ?
Telles sont les questions auxquelles l'Europe doit répondre.
Les défis à relever commandent aux dirigeants européens de renouveler le sens de l'engagement commun. C'est à eux que revient l'immense responsabilité de redonner vigueur aux principes de « solidarité financière » et de « politique commune », ou, à défaut, de les laisser dangereusement péricliter.
Le vote du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne dont nous débattons actuellement est lourd de tous ces enjeux. Deux sujets notamment, au coeur du projet de budget 2010, permettent d'illustrer les difficultés et les limites du cadre actuel: le financement du plan de relance, la crise du secteur laitier.
Après le refus des États d'utiliser les marges disponibles dans le budget 2008, le financement de la deuxième tranche du plan de relance européen risque de se retrouver en concurrence avec le financement d' autres politiques européennes.
Pourquoi avoir refusé, pour financer une partie du plan de relance – 3,5 milliards –, de puiser, comme le proposait la Commission, dans les marges non utilisées en 2008 ? Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi s'être mis dans une situation de pénurie alors que les marges de manoeuvre existaient ?
La droite a plaidé pour un budget européen tellement restreint que le financement du plan de relance et celui du fonds laitier se trouvent aujourd'hui mis en concurrence. Les socialistes européens proposaient d'augmenter substantiellement les crédits du fonds laitier, de 300 à 600 millions d'euros. Il reste à espérer que la gauche européenne, par son soutien aux agriculteurs, ne soit pas accusée d'avoir empêché le financement du plan de relance !
En prônant un budget insuffisant, c'est bien la droite européenne qui est responsable de la mise en concurrence des politiques publiques. Cet exemple ne relève pas de l'anecdote. Lors des prochaines négociations sur les perspectives financières, il conviendra de veiller à ce que ce redéploiement hasardeux ne préfigure pas un futur redéploiement beaucoup plus massif entre priorités politiques concurrentes.
Monsieur le secrétaire d'État, comment réagissez-vous aux propositions soutenues en haut lieu à la Commission européenne de ne plus consacrer, après 2013, que 25 % des crédits communautaires aux politiques agricoles et de cohésion contre 75 % aujourd'hui, alors que ce sont les seules véritables politiques communes de l'Union ? N'est-ce pas là une marque de renoncement à la fonction de redistribution assurée par le budget européen, et donc in fine à la solidarité financière unissant les États membres ?
Cette politique d'« ajustement budgétaire » ne doit pas aboutir à mettre en concurrence les politiques publiques. Il ne revient pas aux priorités politiques de se fondre dans les limites arbitraires d'un cadre budgétaire mais bien à ce cadre de prévoir les conditions adéquates dans lesquelles les priorités politiques pourront être mises en oeuvre. À cet égard, le caractère dérisoire de la contribution financière européenne à la relance économique peut prêter à interrogation. Elle représente à peine 0,03 % du produit intérieur brut de l'Union, seuil au-delà duquel l'unanimité au sein du Conseil est requise pour réviser le cadre financier. Le respect de ce seuil n'a-t-il pas, d'une certaine manière, conditionné le faible niveau de la réponse européenne ?
Alors, comment faire pour que les futures négociations sur les perspectives financières n'achoppent pas une fois de plus sur des querelles de boutiquiers, mais permettent véritablement de dégager des financements au service de priorités politiques préalablement définies ? La création d'une nouvelle ressource propre n'est-elle pas une solution nécessaire ? Comment, selon vous, devrait-elle être définie puis mise en oeuvre ?
Et, dans ce cas, comment les parlements nationaux, et le Parlement français en particulier, seront-ils associés à ces travaux qui les concernent au premier chef ?
En attendant ces réformes de fond, qui n'en sont pas moins urgentes, il convient dès à présent d'utiliser à plein le cadre budgétaire actuel.
On peut s'étonner, à ce propos, des coupes effectuées par le Conseil dans le projet de budget 2010 dans des domaines tels que la stratégie de Lisbonne ou les fonds structurels, qui représentent, par excellence en période de crise, le type de dépenses et d'investissements opportuns pour relancer la croissance.
Plus généralement, il convient de remédier au plus vite à la situation actuelle dans laquelle un budget structurellement faible voit en outre ses crédits disponibles sous-utilisés.
L'un des exemples les plus emblématiques est celui du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation en faveur des travailleurs touchés notamment par les délocalisations. Doté d'un montant de 500 millions d'euros en vue de soutenir la réinsertion et la reconversion professionnelles, il n' a été que très faiblement utilisé, et c'est un euphémisme. Il devra, lors de son examen à mi-parcours, être complètement révisé afin de pouvoir véritablement bénéficier aux travailleurs.
Le taux d'utilisation des fonds structurels devrait, ensuite, pouvoir être amélioré. Des retards perdurent dans l'approbation des systèmes de gestion et de contrôle. Votre initiative de confier un rapport sur ces questions au président de la commission des affaires européennes de notre assemblée doit être saluée. Cependant, dans un contexte où les infractions aux règles communautaires perdurent et où la qualité des contrôles est encore perfectible, prenons garde que la réduction de la charge administrative n'aboutisse pas à une perte de transparence et à un risque accru de fraude.
En effet, à la faible utilisation des marges disponibles au sein d'un budget lui-même réduit, il faut ajouter, outre les retraits ou reports de crédits, un certain nombre d'irrégularités qui contribuent à réduire les retours financiers pour la France.
Le manque à gagner du fait des corrections financières et amendes de la Cour s'est élevé, pour 2008, à quelque 83 millions d'euros. Il est pour le moins regrettable que la France soit parmi les États les plus concernés par la procédure de l'article 228 TCE utilisé en cas de non exécution d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes.
J'ai bien noté le changement d'approche du ministre de l'agriculture concernant le conflit avec la Commission lié au remboursement de quelque 500 millions d'euros après apurement des comptes de la politique agricole commune pour la période 1992-2002. A ce propos, quand espérez-vous que sera soldé le contentieux avec la Commission ?
Cette situation ne risque-t-elle pas, si elle venait à perdurer, de fragiliser la position française dans les négociations à venir ?
Ces négociations sur les perspectives financières de l'après-2013 contribueront sans nul doute à faire évoluer de manière décisive la situation de la France au sein du budget de l'Union. Pour mémoire, elle est aujourd'hui le deuxième contributeur net en valeur. Une étude sur dix ans révèle une dégradation sensible du solde net de la France, qui est certes parvenue à se maintenir au premier rang des bénéficiaires des dépenses communautaires, mais l'élargissement de l'Union et l'encadrement des dépenses agricoles devraient très fortement dégrader ce solde au cours des prochains exercices.
Les prévisions pour la période 2007-2013 évaluent le solde net moyen de la France à moins 0,37 % de son produit national brut, alors qu'il était de moins 0,15 % au début des années 2000.
Quelles conséquences cette évolution de nature structurelle aura-t-elles sur la position de la France et la définition de ses intérêts dans le cadre des prochaines négociations sur les perspectives financières ?
Enfin, comment la représentation nationale sera associée, de manière plus générale, à ces futures négociations budgétaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)