Je pense, madame la ministre, que vous venez d'inventer une zone franche nationale. Avec votre texte, les entreprises de moins de deux millions de chiffres d'affaire ne paieront pas cet impôt territorial et cet impôt économique, et celles dont le chiffre d'affaire est compris entre deux et cinquante millions paieront peu.
Imaginez la situation pour nos collectivités, qui vont perdre une recette dynamique : au-delà de la perte de recettes, qui pourrait les empêcher de mettre en place les services publics indispensables, comment faire comprendre à nos habitants qu'ils paieront l'impôt mais pas les entreprises ni les commerçants ? Nous passons notre temps à leur expliquer que la contribution de chacun, à hauteur de ses revenus, est un principe important de notre République, que tout ne peut pas être gratuit. Alors qu'il est essentiel de préserver une certaine justice fiscale, vous décidez, vous, d'exonérer de la contribution les entreprises de moins de deux millions de chiffre d'affaires, lesquelles sont beaucoup plus présentes sur les communes ou les intercommunalités que les entreprises de plus de cinquante millions de chiffre d'affaires – dont il faudrait d'ailleurs dresser la liste pour savoir qui va payer et où.
Madame la ministre, mettez-vous à la place des élus : ainsi les commerçants, les entreprises pourront leur réclamer de nouvelles voieries, de nouvelles zones d'activités, de nouveaux transports pour leurs salariés ou leurs clients, sans participer à l'effort collectif ? Nous avons tous créé des ZAC, des zones où nous avons favorisé le développement économique et l'installation d'entreprises ; mais il y avait, si j'ose dire, un « juste retour sur investissement », puisque les entreprises devaient participer.
Vous venez d'inventer une grande zone franche, soit. Mais dans le même temps – et j'aimerais, madame la ministre, que vous répondiez à la question que je vous ai posée hier sur ce point – vous faites disparaître les actuelles zones franches. Votre réforme aura pour effet, paradoxalement, que la majeure partie des entreprises qui payaient la taxe professionnelle ne paieront plus, mais que celles qui en étaient jusqu'à présent exonérées, parce qu'implantées dans des zones sensibles, pourront être soumises à l'impôt que vous venez de créer.
Par ailleurs, la suppression de la taxe professionnelle entraîne automatiquement la disparition des fonds de péréquation qu'elle alimentait – le fonds départemental de péréquation, mais également le fonds de solidarité régional d'Ile-de-France, qui est essentiel pour les communes les plus défavorisées. Vous ne m'avez pas répondu hier, madame la ministre, mais je souhaiterais que vous acceptiez les amendements que les uns et les autres nous avons déposés pour réactiver ces fonds indispensables.