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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 21 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

Le Président de la République, d'autres l'ont rappelé avant moi, a annoncé hier un projet de réforme territoriale avant même que le Parlement ait débattu des nouveaux contours des administrations territoriales, de l'avenir des communes, des intercommunalités, des départements et des régions. L'essentiel, c'est cet article 2 du projet de loi de finances pour 2010.

Quand on change les règles du jeu qui s'appliquent aux moyens financiers des collectivités locales, quand on décide, comme le Premier ministre l'a annoncé en Haute-Loire il y a quelques jours, que l'on va serrer à fond le robinet des dotations de l'État aux collectivités locales, pour que celles-ci prennent la même part que l'État à la diminution de la dépense publique et traduisent dans les faits la suppression de postes de fonctionnaires, on sait que cette décision, la diminution des dotations de l'État, s'accompagnera d'une profonde réforme fiscale qui, loin de ne concerner que la taxe professionnelle, touchera l'ensemble des autres impositions locales.

C'est donc une décision extrêmement lourde de conséquences que vous voulez prendre, et ce sans avoir réalisé les simulations nécessaires, même si vous avez voulu, madame Lagarde, nous rassurer sur ce point.

Si vous vous mettez un seul instant à la place d'un responsable local qui essaie de faire des prévisions à moyen terme sur ses capacités financières, vous ne trouverez, à gauche comme à droite, que des gens dans l'incapacité d'y voir clair. C'est donc une lourde responsabilité que vous prenez.

On ne peut que protester, car il est en train de se dessiner quelque chose de nouveau dans le pays, quelque chose qui n'a rien à voir avec ce que nous avons construit depuis 1982, avec la décentralisation et toute la dynamique de transformation, de modernisation, de développement du pays qu'elle a portée. Il suffit de se déplacer en France, d'une région, d'un département, d'une ville à l'autre, pour voir que la décentralisation a apporté un « plus » considérable au pays. Vous êtes en train de casser cela. Vous pouvez nous dire le contraire, mais c'est la vérité, profondément ressentie par les élus, et, je le répète, pas seulement par les élus de gauche, mais par tous les élus sincèrement engagés dans une action positive pour leurs territoires, et qui se demandent aujourd'hui comment ils feront demain.

Les chiffres sont là. Vous voulez faire faire aux entreprises une économie de 8 milliards d'euros. Il faudra bien que quelqu'un paye. Vous dites que ce sera compensé la première année, mais il y aura en réalité des problèmes dès 2010 : le dynamisme des recettes liées à l'activité économique n'aura pas d'effet en 2010 puisque vous compensez sur la base du montant de l'année précédente. Il y a donc un handicap dès la première année.

Et pour les années suivantes, comment vous croire, alors que nous avons l'expérience des déclarations de M. Copé qui, avant de présider le groupe UMP de notre assemblée, était ministre du budget et que nous avions surnommé « Monsieur à l'euro près » car il avait promis, au nom du Gouvernement, que tous les transferts de responsabilité aux collectivités locales seraient compensés « à l'euro près », – ce qui, les départements et les régions en savent quelque chose, n'a absolument pas été le cas ?

Les responsables politiques nationaux que nous sommes, qui connaissons les collectivités locales, savent bien que quelqu'un paiera.

Ce seront d'abord les ménages. Nous ne voulons pas, nous, qu'ils payent davantage car ils payent déjà beaucoup, en particulier la taxe d'habitation, qui est l'un des impôts les plus injustes et que vous ne voulez pas réformer, si ce n'est en augmentant les valeurs locatives, ce qui se traduira par une augmentation de la taxe, ainsi que le Président de la République l'a annoncé hier.

Cette décision sera également au détriment de la qualité de la dépense publique : les services publics, auxquels les Français sont attachés, seront dégradés, l'investissement aussi. Comment pouvez-vous prendre une telle responsabilité, madame Lagarde ? Comment pouvez-vous, d'un côté, défendre le plan de relance, faire appel à l'engagement des collectivités locales et, de l'autre, les priver de moyens d'action ?

Le temps de réaction est toujours un peu lent, mais aujourd'hui, dans nos circonscriptions, de nombreux chefs d'entreprise attachés à l'investissement des collectivités locales viennent nous dire leur désarroi. Je sais que vous ne voulez pas répondre à cette question, parce que vous êtes embarrassée.

Votre réforme, qui commence maintenant, c'est la négation de la décentralisation. C'est un frein à l'investissement public. Sachant que les collectivités locales représentent les trois quarts de l'investissement public en France et que l'État est en réalité incapable d'investir, vous prenez là une lourde responsabilité pour l'avenir, car vous mettez à mal la cohésion sociale et territoriale.

En outre, la mise au pas électorale des collectivités a été annoncée hier, avec un nouveau mode de scrutin à un tour pour élire le fameux « conseiller territorial ». Nous venons d'assister, hier aussi, à un triste spectacle : la majorité a adopté le texte de redécoupage des circonscriptions des députés. Un découpage peut en cacher un autre : après le redécoupage des circonscriptions se prépare déjà le redécoupage des cantons pour mettre en place le conseiller territorial, avec l'élection à un tour.

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