Madame, monsieur les ministres, le présent projet de loi des finances est examiné par notre assemblée dans une atmosphère lourde : lourde face aux mécomptes de la nation – déficits, dette, chômage – ; lourde pour la justice fiscale puisque, depuis 2002, les baisses d'impôts s'élèvent à 30 milliards d'euros pour les plus aisés et seulement à 3 milliards d'euros pour les ménages les plus modestes ; lourde enfin pour les collectivités territoriales accusées de mauvaise gestion par le Gouvernement, médaille d'or du cynisme politique quand on connaît 1'état des comptes publics.
Les collectivités sont promises à l'asphyxie financière avec la disparition de la taxe professionnelle, puis réduites en poussière par la réforme territoriale, enfin éliminées par évaporation selon la volonté du Président de la République, un président qui ne tolère qu'un seul pouvoir, le sien.
Le Gouvernement ne sait pas où il va conduire le pays mais il y va. La plupart des élus, de droite comme de gauche savent, eux, que l'on va vers le chaos. Souvenez-vous : cinq ans seulement avant ce coup de barre jacobin, M. Raffarin présentait l'acte II de la décentralisation comme la mère des réformes. Doit-on attendre de l'ancien Premier ministre qu'il dépose plainte pour infanticide ?
Les concepteurs d'une telle France à venir, recentralisée à outrance et privée de ses repères de proximité, font semblant de croire aux vertus des financements croisés à supprimer, des clauses de compétence générale à proscrire et des bataillons d'élus à éliminer. À cet égard, c'est avec gourmandise que j'attends 1'accueil qui sera fait à ce texte par nos collègues du Sénat.
Je m'exprime ici à la fois en défenseur des collectivités territoriales assiégées et violentées par les armées bonapartistes, et au nom des citoyens qui ont choisi de vivre dans les zones rurales ou de montagne, qui ne se reconnaissent ni dans la forme d'ostracisme dans laquelle les tient le pouvoir central, ni dans le projet de loi de finances pour 2010.
La France rurale, la France de la montagne souffrent. Avant de me rendre dans les Hautes-Alpes au congrès de l'ANEM, je souhaite appeler votre attention sur trois sujets pour lesquels j'ai déposé des amendements.
Le premier concerne les ressources pour les collectivités issues des équipements hydrauliques, à relier à la disparition de la taxe professionnelle.
Je trouve inadapté de réserver les taxes au-delà d'une production de 50 mégawatts. Dans mon département de l'Ariège qui fait partie des châteaux d'eau du pays, quatre barrages hydrauliques seraient éligibles. Est-ce justifié au regard de l'apport en ressource en eau de ce territoire et de la volonté exprimée par M. Borloo d'augmenter la production hydraulique ? La réponse est non.
Le deuxième a trait aux compensations pour les citoyens des zones excentrées au titre de la taxe carbone qui est une bonne mesure et un mauvais impôt.
À cet égard le Gouvernement n'a pas fait les bons arbitrages. Le paramétrage de votre taxe est socialement injuste et écologiquement inefficace, comme mon collègue Jean Launay l'a déjà démontré la semaine dernière.
La fiscalité est l'un des outils qui doit nous permettre d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixé en termes de sobriété énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Encore faut-il que l'outil soit adapté et que la progressivité du signal prix soit en adéquation avec les moyens contributifs des usagers par rapport à leurs lieux de résidence. Mon amendement abondant le crédit d'impôt pour ceux qui vont payer plus pour travailler loin, a été repoussé de justesse en commission des finances mais celui, excellent aussi, de Michel Bouvard a eu plus de chance, à la condition bien sûr qu'il soit voté prochainement dans l'hémicycle, sans que les ministres ne s'y opposent.
Monsieur le ministre, je vous invite à la raison, à l'équité, et à plus de cohérence au regard des objectifs visés vis-à-vis des citoyens qui ont choisi de vivre à la campagne.
Ma troisième remarque concerne l'encadrement des projets de résidences de tourisme en zones de revitalisation rurale appelant à déductions fiscales.
Je souhaite que vous teniez vos engagements pris ici même le 19 mars dernier après que j'aie, sur votre suggestion, retiré l'un de mes amendements justifié par la nécessité de remettre de l'ordre dans l'application de la loi Demessine. Il faut conserver ce dispositif d'incitation mais en l'encadrant en amont au niveau des promoteurs et des gestionnaires et en le sécurisant en aval pour les investisseurs particuliers.
Aujourd'hui, notre commission des finances a accepté l'un de mes amendements visant à ne pas infliger une ultime sanction aux acheteurs déjà victimes de fausses promesses et de vrais retours d'impôts. Je reconnais là l'intérêt manifesté à ma démarche par le président de la commission, Didier Migaud, et le rapporteur général, Gilles Carrez.
En conclusion, je regrette de ne pouvoir passer la semaine avec vous dans cet hémicycle pour cause de congrès des montagnards, mais je veux croire en votre parole de ministre ici et d'alpiniste là-haut. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)