Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2010 n'est pas un budget comme les autres puisqu'il nous conduit à remodeler en profondeur la fiscalité locale de notre pays.
Il procède par raccroc, partant d'une louable intention : personne ne peut raisonnablement récuser le bien-fondé d'une réforme qui vise à remettre en cause un impôt, la taxe professionnelle, dont l'assiette pénalise les investissements productifs de nos entreprises.
Cette suppression prend certes place parmi les trop rares instruments de lutte contre les délocalisations industrielles, mais elle ne saurait se substituer aux protections indispensables à mettre en place face aux concurrences commerciales et monétaires déloyales.
La question de la fiscalité locale est abordée de biais, à partir de la nécessité de compenser le manque à gagner résultant pour les collectivités de la suppression de la taxe professionnelle. Le projet du Gouvernement a été élaboré en prenant trop exclusivement en compte le point de vue des investissements des entreprises et pas suffisamment celui des investissements des collectivités territoriales, alors que ces deux éléments sont intimement liés. Il appartient donc au Parlement de corriger ce déséquilibre en clarifiant les termes du débat.
La réforme sera un succès si elle allège la charge des entreprises sans porter atteinte au dynamisme de l'investissement des collectivités territoriales, dont la taxe professionnelle a été depuis plus de trente ans le principal carburant. La réforme sera en revanche un échec si l'allégement apporté aux entreprises doit être payé par un affaissement de l'investissement local, dû à des recettes fiscales moins évolutives sur lesquelles les élus n'auraient pratiquement plus de marge de manoeuvre.
Il serait paradoxal qu'une réforme destinée à favoriser notre développement économique ait pour conséquence un ralentissement du niveau des investissements locaux indispensables pour accompagner et conforter ce développement.
Respecter l'autonomie et la responsabilité fiscale des collectivités locales signifie que la taxe professionnelle ne doit pas être remplacée par des impôts dont les collectivités ne maîtriseraient ni les taux ni l'assiette. La part des recettes dont les collectivités ont la maîtrise ne doit pas baisser.
Cela implique également que l'on ne substitue pas l'octroi de dotations budgétaires nationales à l'exercice des responsabilités fiscales locales. Il faut proscrire le retour à une logique de dotations qui transformerait les collectivités territoriales en établissements publics.
Cela implique ensuite que la nouvelle cotisation complémentaire retienne une approche territorialisée de la valeur ajoutée. Cela ne serait toutefois pas suffisant. Pour que celle-ci ne fonctionne pas comme une dotation, chaque collectivité devra pouvoir en moduler le taux, peut-être à l'intérieur d'une fourchette, mais en disposant dans tous les cas d'une marge de manoeuvre suffisante.
Cela implique encore que l'assiette retenue ne pénalise pas les territoires dont le tissu économique est essentiellement constitué de PME, notamment dans les zones rurales. Pourquoi ne pas prévoir une part majorée en faveur des départements ruraux et des petites communes ?
Dans l'exercice de réécriture auquel s'est livrée la commission des finances, le souci de réaffirmer le lien indispensable entre l'entreprise et le territoire l'a conduite à proposer le transfert aux communes et intercommunalités de 20 % de la cotisation complémentaire. Cette part est entièrement prélevée sur celle que le projet gouvernemental attribuait aux départements, sans qu'il soit touché à la part régionale. On ne comprend d'ailleurs pas très bien pourquoi. Il faut conserver la possibilité de faire évoluer ces ratios entre collectivités en fonction du résultat des simulations.
S'il est indispensable que les communes et les communautés de communes disposent d'une ressource dynamique – elles sont en première ligne en matière de développement économique et doivent être fiscalement incitées à poursuivre leurs efforts –, il est essentiel que le transfert opéré à leur profit n'ait pas pour conséquence de casser la capacité d'initiative des départements. Ceux-ci jouent en effet un rôle déterminant dans le développement économique par leurs aides à l'immobilier d'entreprise, aux zones d'activité, aux projets industriels innovants versées au titre de leurs responsabilités en matière de dessertes routières et de l'action qu'ils mènent à travers les comités d'expansion.
La loi devra donc retenir des recettes compensatrices ayant le même dynamisme que celles qu'elle transfère en laissant aux départements une véritable marge de manoeuvre.
Ce débat est difficile parce que nous devons nous prononcer sur une réforme aux conséquences très lourdes sans disposer de toutes les simulations qui nous permettraient d'en apprécier les effets avec suffisamment de précision. Nous devons donc conserver le maximum de souplesse et de pragmatisme pour adapter, en profondeur s'il le faut, le dispositif au cours de l'année 2010, avant son entrée en vigueur, en fonction des simulations dont nous disposerons.
Nous devons également fixer une clause de rendez-vous après la mise en application de la réforme pour nous assurer que celle-ci réponde bien, dans les faits, au double objectif d'alléger les charges des entreprises et de garder intacte la capacité d'investissement des collectivités territoriales.