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Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 20 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Madame la présidente, mes chers collègues, année après année, je suis intervenu dans le débat budgétaire depuis 2002. J'ai malheureusement toujours péché par excès d'optimisme. Ainsi j'avais, dès le 16 octobre 2007, ici même, souligné l'effet dramatique qu'aurait sur le ralentissement de nos économies européennes la crise financière qui avait éclaté quatre mois plus tôt aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais j'en étais encore, le 21 octobre 2008, à évaluer le déficit pour 2009 en indiquant qu'il se situerait « très largement au-delà de 60 ou 65 milliards d'euros » ! C'est dire à quel point j'ai péché par optimisme.

Quelques semaines après, à l'École nationale d'administration, j'avais indiqué qu'il fallait s'attendre à 80 milliards d'euros. J'étais encore d'un optimisme béat.

En juin 2008, je disais ici que «plutôt que de se cramponner à des prévisions de croissance auxquelles nul ne peut croire dans un monde en crise, l'une des plus graves depuis cinquante ans », il fallait tenir le langage de la vérité comptable. Cet optimisme était toujours relativement excessif.

Je voudrais essayer, ce soir, d'être un peu plus réaliste.

Franchement, nous ne pourrons commencer à parler de la crise au passé que lorsque nous aurons, dans le monde entier, réglé trois problèmes : le déséquilibre structurel des balances de paiements courants, le rôle du dollar, la résorption dans les comptes des banques des actifs liquides que je préfère appeler les actifs virtuels.

Or, aujourd'hui, si la question des déséquilibres structurels des balances des paiements a commencé à être abordée pour la toute première fois au dernier G 20, rien n'a été décidé ni entrepris dans ce domaine, à part quelques vagues pétitions de principe. La résorption des actifs virtuels des banques reste très partielle malgré des injections de fonds publics en provenance des banques centrales et des États, qui, au niveau mondial, représentent des milliers de milliards de dollars. Je rappelle d'ailleurs que des banques font régulièrement faillite, en particulier aux États-Unis. Il y en a eu environ quatre-vingt-dix, et ce ne sont pas de petits établissements bancaires.

Le dollar amorce une courbe descendante, de plus en plus inquiétante, que rien ni personne ne pourra arrêter. Contrairement à une idée reçue, cette chute, si elle peut constituer un avantage compétitif pour les États-Unis, est une véritable catastrophe pour l'économie mondiale.

Nous ne pouvons prévoir, en tout cas en Europe, qu'une longue période de croissance très molle, sans exclure la possibilité d'une nouvelle crise financière, extrêmement violente, qui affectera cette fois-ci la sphère financière publique.

J'ajoute que le retour parfaitement illusoire et artificiel à une certaine rentabilité dans les banques, grâce à des injections massives de liquidités quasi gratuites et sans que cela se traduise par une relance de l'économie réelle sur la base d'une reprise du crédit, est extrêmement mal ressenti par les opinions publiques, qui voient le chômage s'aggraver, l'économie du quotidien s'étioler, ce qui rend toute reprise illusoire.

Dans un tel contexte, nous devons tous admettre l'extrême difficulté à présenter un budget et aussi à en débattre. Peut-être faudra-t-il un jour que nous essayons un peu plus de nous accorder sur une analyse commune des questions financières globales, ce qui devrait être possible en France. C'est d'ailleurs le cas très largement dans la plupart des pays comparables et, à cet égard, je dois dire, une fois n'est pas coutume, que je partage la philosophie exprimée par Mme Lagarde dans un récent article du Financial Times, où elle remarque essentiellement que nous n'avons fait que la moitié du chemin et que nous devons, non pas revenir en arrière, mais avancer pour construire un avenir financier meilleur et plus sûr.

La question budgétaire fondamentale est de savoir ce qui est indispensable, à court, moyen et long terme, et ce qui est soutenable à court terme, c'est-à-dire pour les trois prochains exercices.

Le soutien à la conjoncture est incontournable ; c'est une évidence. On ne peut aujourd'hui réduire de manière significative nos déficits si l'on n'engrange pas un peu de retour de croissance. C'est ce que vous faites, puisque vous essayez de maintenir une relance globale du soutien à la conjoncture.

Dans le même temps les collectivités locales vont – si l'on va jusqu'au bout de la logique de ce budget en termes de dotations de compensation et de fiscalité – marquer un recul sensible de leurs investissements, lesquels représentent les deux tiers voire les trois quarts de l'investissement public en France. Par conséquent, ce que l'on va donner d'une main pour activer la relance ou, en tout cas, pour continuer à soutenir la conjoncture, on va le retirer de l'autre.

Nous n'en sommes pas à la fin de la crise, pas même au commencement de la fin de la crise, parce que la crise financière elle-même est très loin d'être terminée et qu'une crise financière gravissime peut encore éclater à tout moment dans ce que j'appelle la sphère financière publique, celle des déficits des États, du gonflement des bilans des banques centrales et de la folle accumulation de liquidités spéculatives libellées en dollars dans un système monétaire international qui échappe largement à tout contrôle et qui constitue aujourd'hui la plus vaste des bulles financières de l'histoire. Je crois que c'est malheureusement le constat que l'on peut faire aujourd'hui.

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