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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 20 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Je vous ai battue puisque vous, vous atteignez ce chiffre en ajoutant Dominique Strauss-Kahn et Michel Rocard. Je n'ai pas besoin, quant à moi, d'aller chercher des supplétifs. Il me suffit de l'original, madame la ministre !

Fin août, Nicolas Sarkozy a reçu les banquiers à l'Élysée apparemment pour les rabrouer, s'agissant de la rémunération des dirigeants de banques et des opérateurs de salles de marché. Mais tous les discours ronflants du Président, ses déclarations triomphalistes lors des G 20 et les prestations télévisées des ministres ne parviennent pas à dissimuler la soumission des dirigeants de la droite à la haute finance ! C'est plus que de la soumission, c'est un dévouement aveugle, c'est de la servilité. En effet, vous êtes idéologiquement complètement imbibés ! Dès que vous voyez le Veau d'or, vous ne pouvez pas vous empêcher de faire une génuflexion ! (Sourires.) Eh oui ! C'est ainsi ! Vous êtes faits comme cela et, hélas, c'est vous qui, pour l'instant, dirigez le pays ! Vous le savez, vous avez déjà beaucoup dégradé la situation et vous nous emmenez à la catastrophe.

Les nouvelles « mesurettes » que le Président de la République a présentées aux banquiers censés abandonner leurs mauvaises habitudes visent simplement à calmer l'opinion. Comme l'analyse très clairement Simon Gleeson du cabinet Clifford Chance : Ce que Sarkozy fait, c'est se plier à la pression de son électorat tout en envoyant un message codé aux banquiers français leur signifiant « Ne vous inquiétez pas. » Tel est bien le rôle de Nicolas Sarkozy. Il est le fakir assis sur les clous, en l'occurrence les Français. Il leur dit : « Dormez, je le veux ! » Et quand le sommeil commence à s'installer, la tête de trois-quarts, que dit-il aux banquiers ? « Vous pouvez continuer, ils dorment ! » Eh bien, nous sommes là pour dire aux Français : « Ouvrez les yeux ! Parce que, pendant qu'il vous berce avec des histoires à dormir debout, ce sont vos comptes en banque qui sont vidés, vos économies qui sont pillées. Et après, vous ne savez plus comment terminer le mois ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Contrairement à vous, chers collègues, vos électeurs constatent que la fin du mois commence de plus en plus souvent le 10 ou le 12 ! C'est anormal dans un pays riche comme le nôtre !

L'augmentation des encours de prêts au secteur non financier n'a progressé que de 2,3 % en août, après 2,7 % en juillet et 3,5 % en juin. Les crédits de trésorerie ont encore chuté de 16,4 % en août. En voilà des chiffres, monsieur Woerth, vous qui les aimez ! L'objectif fixé aux banques d'une augmentation des crédits de 3 à 4 % pour l'année 2009 devient de plus en plus irréaliste, en dépit des promesses maintes fois réitérées des banquiers. Savez-vous pourquoi les objectifs ne seront pas tenus ? Cela ne tient pas qu'à la mauvaise volonté. C'est aussi le résultat d'une situation économique tellement désastreuse que la demande diminue également du côté des entreprises – vous ne pourrez pas me démentir.

Comme l'a déclaré récemment Hector Sants, chargé du contrôle de la City de Londres, à propos des bonus : « Si les politiciens estiment qu'il s'agit d'un problème, c'est à eux de le régler en utilisant les outils appropriés comme la fiscalité. » Dans cette perspective, madame la ministre, monsieur le ministre, nous allons vous proposer des amendements portant à 95 % l'imposition des bonus et des rémunérations des dirigeants d'entreprise qui touchent des pactoles.

Nous ne faisons que mettre en forme une proposition de Nicolas Sarkozy. En septembre 2008 à Toulon, il avait promis une nouvelle législation avant Noël 2008. Rappelez-vous, chers collègues, vous qui l'idolâtrez, et qui apprenez ses textes par coeur, comme d'autres apprenaient le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Un an de retard est pris et la preuve est maintenant apportée qu'il a confondu Noël avec la Saint-Glinglin. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes là pour boucher les trous de mémoire du Président de la République.

Au-delà de la question des niveaux de rémunérations et des bonus de toute nature attribués aux dirigeants des banques et aux opérateurs de salles de marché, les responsables politiques que nous sommes ne pourront pas faire longtemps l'économie d'une interrogation détaillée et sans complaisance sur la légitimité d'une série d'instruments financiers dont le négoce spéculatif alimente aujourd'hui principalement les profits des banques. La déréglementation systématique à laquelle ont procédé les États et l'Union européenne en matière financière et bancaire, la mondialisation totale des échanges financiers, la multiplication des paradis fiscaux et bancaires, les possibilités technologiques de transactions ultrarapides, l'utilisation de modèles mathématiques sophistiqués pour occulter le risque, le crédit abondant et peu cher, l'inefficacité des agences de notation, le tout couronné par la légitimation idéologique de l'argent facile par la pensée unique ultralibérale, ont ouvert le champ de tous les possibles en matière de spéculations de toutes sortes.

Par exemple, les variations brutales des cours des matières premières résultent désormais pour l'essentiel, c'est avéré, de mouvements spéculatifs et non du jeu de l'offre et de la demande. Ainsi, quand le baril de pétrole a dépassé les 140 dollars, les spécialistes de l'énergie expliquaient que le prix réel de marché se situait aux alentours de 60 dollars, le reste résultant des spéculations qui frappent aussi les matières premières alimentaires, créant des situations d'insolvabilité des consommateurs, débouchant sur des émeutes de la faim.

Un certain nombre de collègues – douze sénateurs et douze députés – participent à ce que les journalistes appellent le « G 24 ». Lorsque nous fûmes invités pour un déjeuner, rendu célèbre à cause de M. Zapatero et d'Henri Emmanuelli, que nous a dit alors le Président de la République ? Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas le savoir, parce que vous n'étiez pas là et que le Président de la République ne partage pas ses secrets avec vous. Il nous a confié qu'il poserait la question d'une régulation du prix des matières premières pour que soient fixées des valeurs plancher. Or j'ai lu le communiqué final du sommet de Pittsburgh et le compte rendu de la conférence de presse du Président de la République. Je n'ai rien trouvé en la matière. Il s'agissait de propos de table destinés aux députés et aux sénateurs, avec l'espoir qu'ils seraient répétés aux journalistes et qu'ainsi la bonne nouvelle, comme on dit dans les textes sacrés, allait se répandre et rayonner par elle-même. (Sourires.)

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